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 146                LES RICHESSES DE M. ALEXIS.
  Au contact de nos célébrités, il prit un goût aussi élevé que pur
  Devenu habile, il se rendit indispensable ; il surveillait les tira-
  ges, donnait son avis, retouchait le cuivre ou l'acier, ou gravait
  lui-même, d'un burin magistral, le dessin qui devait illustrer
  une de ces éditions si recherchées aujourd'hui.
     Sa vie s'est écoulée ainsi ; puis la vieillesse est venue, avec elle
 les infirmités et non l'opulence. Le travail assidu a usé les yeux
  trop surmenés; la vue est à peu près perdue. Son atelier quitté,
  faible et maladif, après avoir erré pendant quelques années,
  humant l'air et profitant sur nos larges places et sur nos beaux
  quais des rayons de soleil qui le rajeunissaient, M. Alexis, vaincu,
  s'est retiré dans un appartement plus que modeste. Il s'est mis
  au lit qu'il ne quitte plus.
     Comment vit-il? c'est un mystère. La concierge fait son mé-
  nage, un beau chien griffon lui lient compagnie et cause avee lui;
 je dis cause et je dis bien, car rien n'égale l'expression et l'in-
 telligence de ce magnifique animal, et voilà comment s'écou'ent
 ses derniers jours, égayés de loin en loin par l'apparition d'un
 rare ami. A l'époque fiévreuse où nous sommes, chacun court à
 ses affaires. Les amis sont peu nombreux; pour les bien portants
 les instants sont rapides et précieux, et le pauvre malade voit
 souvent passer la semaine sans qu'un visage de connaissance ait
 fait aboyer son chien de joie, de reconnaissance et de plaisir.
    Pendant que ses heures tombent une à une dans l'éternité,
 M. Alexis pense, il se rappelle son passé, puis il se soulève. Le
coude appuyé sur son chevet, de son œil qui n'est pas mort, il
 contemple à travers un brouillard les trésors amassés pendant sa
 longue existence ; son imagination les lui rappelle avec toutes
leurs beautés, avec leurs perfections, avec tous les détails de leur
trouvaille, de leur achat, des privations qu'ils lui ont coûtées, des
économies sévères grâce auxquelles il a pu s'en rendre posses-
seur. Puis son regard s'abaisse et s'arrête au pied de son lit,
sur un fauteuil qui supporte, spectacle triste et touchant, le
portrait de sa vieille mère et la croix de bois, la croix funèbre
qui fut jadis sur son cercueil.
  Un jour du mois de mai dernier, un beau dimanche, invité par