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LES CHASSEORSTDE RENNES. 127 que, dans le monde entier, on s'était servi de pierres tail- lées avant de connaître les métaux, et que l'usage du cuivre ou du bronze avait précédé celui du fer. — Vous avez raison. Aussi veux-je dire simplement que ce que nous appelons l'âge de pierre n'a pas été simultané, à la même époque, sur toute la surface du globe, mais successif. De même qu'il y a encore au xixe siècle, des peuplades en plein âge de pierre, de même il y avait eu déjà des sociétés civilisées dans les profon- deurs inconnues du vieux inonde, à l'époque où l'Europe occidentale n'était habitée que par les pauvres chasseurs de rennes avec qui nous vivons depuis deux jours. — Mais alors, docteur, à quelle distance dans le passé faudra-t-il reporter ces antiques civilisations humaines? — Qui le sait ? Je ne puis que vous répéter ce que je vous ai dit déjà : Les faunes, les climats, la géographie de l'Europe, la position des mers, le cours des fleuves, tout a changé depuis que l'homme vit dans nos latitudes. Ces transformations, que la géologie et la paléontologie affirment hautement, ne sont pas l'œuvre d'un jour, mais de longs siècles ; et peut-être la mystérieuse légende de l'Atlantide, ce grand continent enfoui sous les eaux de l'Océan, remonte-t-eile aux temps qui ont précédé les derniers cataclysmes dont l'homme fut le témoin ? Tout cela nous mène loin, et cette époque quaternaire, y com- pris l'âge du renne, que l'on considérait naguère comme si prodigieusement reculée dans le passé, pourrait bien n'être un jour, relativement à ce que l'on découvrira, que de l'histoire moderne ! I-ka-eh écoutait tout cela les yeux à demi fermés, éten- due sur le dos, en jouant avec son collier de dents de tigre. Maisje dois ajouter qu'elle n'en comprit pas un mot, parce que nous parlions en français, sa langue natale étant abso-