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LES CHASSEURS DE RENNES. 45 vant nous, sur un plateau dénudé, pâturait à deux portées de fusil, un magnifique troupeau de rennes. Mes compa- gnons examinèrent la position, apprêtèrent leurs armes et, se jetant sur la tête les peaux de rennes qu'ils avaient apportées, s'avancèrent lentement à quatre pattes, dans la direction du troupeau, qui, trompé par leur travestisse- ment, ne donna aucune marque d'inquiétude ni d'alarme. Je suivais par derrière, rampant et me dissimulant de mon mieux, afin d'assister aux péripéties de la chasse, quoiqu'on m'eût fait la défense expresse de tirer. La dé- tonation aurait mis en fuite tout le troupeau et la jour- née aurait été perdue. L'attaque commença. L'adresse des chasseurs était merveilleuse ; en peu de temps, plusieurs bêtes tombè- rent percées de part en part. On entendait très-distincte- ment ce cliquetis de castagnettes que produisent en se heurtant les sabots profondément fendus du renne. Mais tout à coup, comme saisi par une terreur soudaine, le troupeau tout entier s'ébranla et détala. Je me levai et j'eus le plaisir, en abattant un des fuyards, d'assurer ma nourriture et celle du docteur pour plusieurs jours. Je fis deux encoches à la crosse de mon fusil, pour me conformer à l'usage du pays qui, était de marquer les proies par de petites incisions sur des côtes de cheval ou des tibias de renne, XIX Mon retour au village fut un triomphe. I-ka-eh vint au devant de moi. — Tu n'as plus rien à envier à Patte-de-Tigre, me dit- elle, et tu pourras te peindre le visage en rouge et te planter une épine dans le nez.