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46 LES CHASSEURS DE RENNES. Ces douces paroles de ma fiancée me surprirent d'abord. Mais je supposai que le rouge et l'épine devaient être la distinction de la bravoure et de l'adresse. Modeste de ma nature et n'éprouvant aucune soif des honneurs, je ne ju- geai point opportun de revêtir les insignes de ma dignité nouvelle. Un bruit horrible retentissait sous notre hutte quand j'y arrivai, et je m'arrêtai sur la porte à la vue de l'é- trange spectacle qui s'offrait à mes regards. Trois personnages enveloppés dans des peaux d'au- rochs étaient debout devant le foyer ; ils avaient la tôte complètement masquée sous les longs crânes de bisons, dont les cornes peintes en rouge et longues de cinquante centimètres se dressaient menaçantes. Ces singuliers vi" siteurs poussaient des cris effroyables et battaient des mains en accompagnant leur sauvage mélodie d'un ba- lancement régulier de tout le corps. Dans un coin , mon malheureux ami gisait éperdu les mains sur les oreilles. Je fis signe aux pontifes hurleurs de suspendre leur vacarme. — Venez à mon secours, murmura le docteur d'une voix affaiblie ; cela dure depuis mon retour. J'appris alors que nous avions affaire à trois sorciers, trois médecins, qui, informés du piteux état de leur con- frère, étaient accourus pour lui prêter le secours de leur art. Ils chassaient à grands cris le mauvais esprit qui s'était emparé de lui, disaient-ils. Je les congédiai après les avoir chaudement remerciés, leur assurant que mon ami ressentait déjà les meilleurs effets de leurs bons offices. Ils se retirèrent, dignes et satisfaits. Au coucher du soleil, un spectacle magnifique nous attendait. Pendant que nous allions chasser le renne à la monta-