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                        ALFRED DE MUSSET.                       463
        Sortir seul, au hasard, chantant quelque refrain,
        Plus étourdi qu'un page amoureux d'une fée,
        Sur son chapeau cassé jouant du tambourin ;

        Celui qui ne voit pas dans l'aurore empourprée
        Flotter à bras ouverts une ombre idolâtrée ;
        Celui qui ne sent pas, quand tout est endormi,
        Quelque chose qui l'aime errer autour de lui ;
        Celui qui n'eutend pas une voix éplorée
        Murmurer dans la source et l'appeler ami ;

        Celui qui ne sait pas, durant les nuits brûlantes
        Qui fout pâlir d'amour l'étoile de Vénus,
        8e lever en sursaut, sans raison, les pieds nus,
        Marcher, prier, pleurer des larmes ruisselantes
        Et devant l'infini joindre des mains tremblantes,
        Le cœur plein de pitié pour des maux inconnus,

        Que celui-li rature et barbouille à son aise;
        Il peut, tant qu'il voudra, rimer à tour de bras,
        Ravauder l'oripeau qu'on appelle antithèse
        Et s'en aller ainsi jusqu'au Père-Lachaise,
        Traînant à ses talons tous les sots d'ici-bas,
        Grand homme, si l'on veut, mais poète, non pas.

   Jusqu'à présent, c'est le de Musset amoureux, sentimental, qui
nous a occupé. Quant à l'autre de Musset, fantaisiste, fringant,
portant volontiers la cape espagnole, il existe sans doute ; mais
précisément parce que ce déguisement est déjà passé de mode, il
nous a paru bon de ne pas trop nous y arrêter. Les imitateurs
l'ont du reste, déjà assez décrié, pour que l'inventeur n'en veuille
plus lui-même. Cependant, sans accorder aux exagérations, aux
forfanteries, aux apostrophes déclamatoires dont Rolla est cou-
tumier, plus d'importance qu'elles n'en méritent, il n'en est pas
moins certain qu'il y a deux hommes en M. de Musset : le poète
qui pleuré et le poète qui rit, le sanglot à côté du sarcasme,
le dialogue de la tête et du cœur.
   L'ensemble de ses poésies, ses Proverbes attestent cette dua-
lité, cette contradiction. Ceux-ci surtout n'en sont, à propre-