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24                      ESSAI HISTORIQUE
Tout disparut sous le tranchant de leurs glaives destructeurs •'
arts, sciences, agriculture, lois, cités, mœurs, civilisations, ha-
bitants, tout fut emporté par les flots de ce torrent débordé.
La face de la terre changea, et une profonde nuit s'épaissit
sur elle. Pourquoi alors tout ne périt-il pas sans retour ? Pour-
quoi, au milieu de cet effroyable cataclysme, l'ancienne société ne
disparut-elle pas entièrement ? On le reconnaît aujourd'hui ; c'est
parce que l'Eglise chrétienne en recueillit les débris, car l'Eglise
se trouva à l'épreuve de la destruction.                           ,
   En effet, au privilège qu'elle possédait de s'appuyer sur des
idées supérieures à ce monde visible, d'inspirer à l'homme des
espérances indépendantes du temps, et d'échapper ainsi par sa
nature même à l'action dissolvante des vicissitudes humaines,
elle joignait l'avantage d'être alors fortement constituée. Ses ins-
titutions étaient à peu-près développées, son gouvernement con-
centré, son unité rigoureusement établie ; son clergé, déjà si vé-
nérable par ses vertus, était devenu le dépositaire presque unique
des lumières en tout genre. Il ne faut donc pas s'étonner si elle
résista à l'invasion des éléments destructeurs qui absorbaient
tout le reste ; si, de plus, elle disciplina ces éléments mêmes et
finit par reconstruire avec eux, à ses frais et pour son propre
compte, une nouvelle société dont les destinées se trouvèrent
dès-lors naturellement entre ses mains. L'Eglise chrétienne fut
la providence de l'humanité au Ve et au VIe siècle ! Si sauvages
que soient les hommes, comme ils sont hommes, le spectacle
de l'ordre et'de l'harmonie finit par obtenir sur eux un ascen-
dant qui les subjugue d'autant plus victorieusement qu'ils y sont
plus étrangers, etque leur esprit est moins accoutumé aux impres-
sions qu'il produit. Les Barbares qui renversèrent l'empire nous
en fournissent une preuve. Ces hommes féroces qui avaient tout
détruit, chez qui le désordre semblait être, pour ainsi dire, l'é-
lément naturel, ces hommes qui n'avaient eu jusque là sous les
yeux que l'image du chaos, quand ils rencontrèrent devant eux
la majesté de l'Eglise chrétienne, s'arrêtèrent étonnés de l'empire
 qu'elle exerçait sur leur nature sauvage, et se prirent à l'honorer.
Les marques de respect qu'ils lui donnèrent alors sont nombreu-