Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
464                    ALFRED DE MUSSET.
ment parler, que la perpétuelle mise en scène. C'est là que cette
antithèse du sentiment et de l'ironie se reproduit plus librement.
Quoiqu'en dise M. Nizard, ces Proverbes ne sont point des co-
médies; car, ils ne sont,.sous la forme dialoguée, que des élé-
gies moitié lendres, moitié railleuses, comme la nature même du
poète. Et, à travers les scènes diverses qui se déroulent, un
seul personnage marche, parle, agit, qu'il se nomme Cordiani
ou Fantasio, Octave ou Cœlio, c'est toujours M. de Musset, c'est
toujours sa personnalité qui remplit le drame, qui se dédouble,
se diversifie et se- donne à elle-même la réplique dans chaque
rôle. Aussi, tous les personnages, quelque soient leur carac-
tère et la situation où ils se trouvent, parlent la même langue,
une langue de roman, délicate, travaillée, d'un tissu également
brillant. « Je tourmentais, dit l'Enfant du siècle, mon esprit
pour lui donner le change ; mais, tandis que ma vanité s'occupait
ainsi, mon cœur souffrait, en sorte qu'il y avait presque cons-
tamment en moi un homme qui riait et un homme qui pleurait.
 C'était comme un contre coup perpétuel de ma tête à mon cœur.
Mes propres railleries me faisaient quelquefois une peine extrême
et mes chagrins les plus profonds me donnaient envie d'éclater de
 rire. » C'est plus qu'un éclaircissement, c'est un aveu ; car la
Confession d'un enfant du siècle contient presque, à l'état de
germe, tous .les sujets de poésie que l'auteur a traités plus tard.
Bien souvent, il n'a fait que mettre en vers ce qui était en prose.
    A présent, quel est le caractère de l'ironie propre à l'auteur
des Proverbes ? Procède-t-elle de l'ironie de Byron, de Goethe,
de Voltaire? Non-, pour ces trois hommes elle est une arme; elle
 est ambitieuse, aetive, résolue dans ses négations ; elle prétend
à quelque chose. Child-Harold lui-même s'écrie : « adieu, super-
 stition, de quelque déguisement que tu te couvres, idole, saint,
vierge, prophète, croissant ou croix, quelque soit le symbole que
 tu veuilles offrir à l'adoration du monde, tu n'es un trésor que
 pour le sacerdoce et la ruine du reste des hommes. » Dans M. de
 Musset, l'ironie est toute personnelle ; il la retourne contre lui-
 même, elle est née d'une souffrance du cœur, non des décep-
tions de l'esprit. Au bout de l'aride épine tremble une larme