page suivante »
38 ESSAI HISTORIQUE par une étroite dépendance, il couronna Charlemagne empereur l'an 800, la veille de Noël, en présence du peuple romain assem- blé. Eginhard a dit naïvement que le Pontife voulut, dans cette circonstance, ménager une surprise agréable au monarque frank (1). Si l'on regarde aux apparences, il y eut, en effet, quel- que chose comme une surprise ; mais si l'on pénètre dans le fait, si l'on pèse les intérêts réciproques des personnages qui l'accomplirent, on en juge autremeat. Il est difficile de croire que des hommes aussi sages que Léon III et Charlemagne, se soient portés, d'une manière presqu'instinctive, l'un à faire un empe- reur, l'autre à le devenir, improvisant de la sorte un empire. H est difficile de croire que de tels hommes n'aient point calculé et accepté, dans le secret d'une négociation préalable, toutes les conséquences inouïes qui allaient découler de cet événement (2). En effet, l'imposition spontanée du titre d'empereur faite à un roi par un pape, et l'acceptation spontanée de ce titre par ce roi sont, sans contredit, la chose la plus hardie, la plus consi- dérable, la plus féconde en résultats sociaux qui eût été faite en faveur de la papauté et parla papauté, depuis l'origine de l'Eglise. Ainsi, le pouvoir spirituel ne se faisait pas seulement du plus grand des pouvoirs temporels un protecteur dévoué: il rangeait de plus ce pouvoir sous sa suprématie et l'obligeait à reconnaître en lui un droit divin dont il relevait. Le principe une fois posé, la logique du peuple tira aisément les conséquences. Aussi l'opi- nion que le pape seul faisait les empereurs, qu'il avait le droit de les juger, de les déposer même, passa-t-elle dans le droit pu- blic des nations européennes (3). Cependant, bien que le pouvoir temporel fût subjugué, l'au- torité, qui était devenue suzeraine, devait lutter beaucoup encore avant de lui faire adopter les conditions de sa vassalité. Le plus (i) In vita Caroli Magni, lib. 11. — Uonachm S. Gaili in vila Caroli, I. I , c. 28. (2) Voir Sigonio, Hist. de Regno Italice, lib. IV. (5) Voir là -dessus les chapitres XXIV et XXVII du tome Ides Rapports en- ire les deux puissances, et le Pouvoir des Papes au moyen âge, 2 e partie.