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                      SA VIE ET SES ÉCRITS.                      229
lent comme homme d'Etat que comme littérateur. C'est peut-être
une injustice. Sans doute, l'auteur du Génie, parvenu aux affaires,
commit des fautes ; mais où est l'homme qui n'en commet pas ?
Dans la route tortueuse, inconnue, semée de dangers de la poli-
tique, il est aisé au plus habile de faire des faux pas ; car le pied
n'y est jamais sûr. On est ou égaré par l'opinion, ou entraîné par
les circonstances, ou séduit par ses propres prévisions. La géné-
rosité du caractère n'est pas souvent le moindre obstacle au suc-
cès. Cependant, les faits sont là pour répondre aux accusations.
Il est certain que la carrière diplomatique de Chateaubriand a
été aussi brillante que celle des hommes auxquels on est con-
venu d'accorder plus d'habileté qu'à lui. Ambassadeur, il repré-
sente dignement la France à Berlin, à Londres et à Rome ; et,
pendant son ministère, il décide, malgré les eriailleries de l'oppo-
sition, la guerre célèbre qui affranchit l'Espagne de la tyrannie
des Décamisados. Nous voyons peu de nos grands ministres qui
puissent invoquer pour l'honneur de leur administration des faits
d'un genre si glorieux.
   Timon, dans Les Orateurs parlementaires, après avoir tracé
de Chateaubriand un portrait moitié sévère, moitié flatteur, lui
conteste, comme publiciste-pamphlétaire, la souplesse, la va-
riété, l'entraînement. Libre au spirituel pseudonyme de ne pas
voir, dans les écrits politiques du grand littérateur, les qualités
qu'il trouve si complaisamment dans Paul-Louis Courier. Mais
il n'est pas permis, même à Timon, d'en donner pour raison,
qu'il n'y a que les pamphlets du peuple qui aient de l'origina-
lité, de la grâce et de la vie, et de faire à Chateaubriand un
défaut de cet atticisme, de cette fleur de délicate et de haute
compagnie qui distinguent les pamphlets du gentilhomme. Quoi
donc? est-ce, par hasard, le style du Père Duchêne que veut
Timon dans le pamphlet? Nous aurions peine à pardonner à l'in-
génieux Athénien cette hérésie littéraire, s'il n'avait pas lui-
même répandu, dans sa brillante galerie, quelque chose de cette
fleur de haute compagnie qu'il reproche à l'auteur du Génie.
Timon à beau faire, la blouse populaire chez lui ne cache qu'à
demi le fin drap de l'aristocratie.