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430 VOYAGE m GRÈCE. une colonne en marbre, où étaient gravés le nom du héros e; celui de sa tribu; quelques débris de ces colonnes gissent en- core épars et demi-couverts par les chardons et lés hautes her- bes sauvages. L'un d'eux plus considérable que les autres, est, dit-on', un vestige du monument élevé parla reconnaissance tardive des Athéniens au vainqueur de Marathon, dont la gloire est réhaussée du merveilleux prestige de l'infortuné et de l'in- gratitude des hommes. Le village actuel de Marathon, distant delà plaine d'environ vingt minutes, consiste en quelques habitations de chétive apparence, construites sur remplacement même du Marathon d'autrefois. Une seule de ces maisons jouissait d'un aspect un peu moins misérable. Devant la porte étaient assis trois ou quatre Albanais en costume éclatant, à la ceinture de peau rouge abondamment fournie de pistolets, de couteaux et de poignards, au sabre suspendu à l'épaule par un cordon de soie, à la mine enfin peu rassurante pour un voyageur qui faisait sa première excursion dans un pays peu et mal hanté. L'un d'eux, que je sus ensuite être le démarque de l'endroit, se leva sans hâte a notre approche, et, venant à moi, me salua d'un kalôs prisété (K-xX&ç- ôpiasre, vous êtes le bien venu) bref et bourru, qui me dispensait de toute réponse ; puis il arrêta mon cheval par la bride, saisit mon étrier, et m'invita d'un geste à descendre. J'hésitais, mais voyant que mon guide était déjà sur ses pieds, je suivis son exemple et abandonnai ma monture à mon peu aimable hôte. J'entrai dans la maison, précédé de Dimitri qui la connaissait pour y avoir campé plusieurs fois, et traversai une salle basse où un jeune homme, à demi-étendu sur un grand banc de bois, la tête appuyée contre la muraille, chantait, en s'accompagnant d'une espèce de guitare à trois cordes, un chant d'une harmonie inculte et sauvage empreint, en même temps, d'une secrète et douce mélancolie, qu'il interrompit à notre arrivée. Je fus reçu, à l'étage supérieur, par une gracieuse jeune fille, blonde aux yeux bleus, chose rare en Grèce. Quel- que chose d'idéal et de germanique se mêlait sur son visage aux teintes ardentes de l'orient.