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             SUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PEINTURE.                    293
 sier de la nature ; et l'on peut dire que ceux dont l'esprit n'est
 pas cultivé se trouvent toujours, relativement aux arts, dans cet
 état de nature. Les hommes de cette classe préféreront sans
cloute la servile imitation de la nature à cette perfection de l'art
qui s'adresse à une faculté qu'ils ne possèdent pas. Ce n'est que
le bas style de l'art qui plaît naturellement à la foule du vulgaire.
 Les nobles efforts de l'art ne touchent point les esprits entière-
 ment incultes.
    Ne cherchons donc jamais à dénigrer tel ou tel genre. Lais-
sons à l'artiste le soin de choisir celui qui convient à ses fa-
cultés intellectuelles. Les œuvres sublimes trouveront toujours
des gens capables de les apprécier, et l'artiste ne doit point sa-
 crifier son goût à celui du public; car c'est à lui de le former.
 Le genre familier ou trivial offre à l'artiste l'avantage, si c'en est
est un, d'être jugé par tout le monde, bien que gens ineptes et
sans éducation ; comme on sait que, dans le genre dramatique,
la vérité des situations comiques était appréciée par la servante
 de Molière. Mais lorsque le peintre s'élève au-dessus de l'imita-
tion servile de la nature, il faut le sentiment, le goût et l'instruc-
tion pour comprendre et juger ses Å“uvres. Et c'est pour cela que
le genre historique ou poétique obtiendra toujours du succès au-
près des femmes et des gens instruits ; car les femmes ont na-
turellement le goût fin et délicat qui, chez les hommes, est Je
fruit de l'éducation et de l'étude.
    Les peintres qui s'appliquent à rendre les caractères bas et
vulgaires et qui expriment avec exactitude les passions de la na-
ture commune, méritent sans douté des éloges ; mais comme
leur esprit est sans cesse occupé de choses communes et trivia-
les, les éloges qu'on leur donne doivent être proportionnés aux
objets qu'ils représentent. Ainsi, l'estime qu'on en fait est en
proportion de ce que ces sujets communs et bas, et la manière
dont les passions y sont rendues, tiennent plus ou moins de la
grande et belle nature. La perfection, dans un style inférieur,
doit raisonnablement être préférée à la médiocrité dans un style
plus élevé. Mais comme, dans l'éloquence et dans la poésie, on ne
peut pas mettre les Å“uvres qui nous rappellent, la bassesse et la