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ALFItED DE MUSSET. 455 voyons guère pourquoi il aurait traité avec plus de ménagement ses anciennes affections politiques, et gardé plus précieusement que le reste le culte du vieux roi, mort en exil. A. vrai dire, la conduite de M. de Musset après Février pro- mettait mieux. A personne plus qu'à lui il était alors permis de lancer l'invective aux vainqueurs qui venaient de lui enlever un modeste emploi de bibliothécaire. La guerre qu'il leur eût faite n'eût point semblé inspirée par de chétives rancunes, car depuis longtemps les disciples de Brutus et de Spinosa, comme il les appelait, avaient reçu de lui en plein visage des flèches très-acé- rées. Cela lui constituait des antécédents que d'autres à sa place ne se fussent pas fait faute d'exploiter. Les excitations ne lui manquèrent pas ; il eut la sagesse d'y résîster : Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi non. Je veux, quand on m'a lu, qu'on puisse me relire ; Si deux noms, par hasard, s'embrouillent sur ma lyre, Ce ne sera jamais que Ninette ou Ninon. Cette modération, si*difficile à garder, eu égard au courant d'idées qui reprenaient faveur, nous nous l'expliquâmes par la nature même de l'esprit de M. A. de Musset. Il nous avait tou- jours semblé qu'à travers ses excentricités plus apparentes que profondes, plutôt voulues que réelles, cet esprit était resté un des plus essentiellement français de ce temps. Affectant le scep- ticisme moins par conviction que par un sauvage amour de la liberté, systématiquement en dehors de toute école, il avait gardé cette vieille vertu gauloise : la haine des cuistres et des pédants de toutes couleurs. Mais je hais les eagots, les robins et les cuistres , Qu'ils servent Pimpocau, Mahomet on Vishnou, Vous pouvez, de ma part, répondre à leurs ministres, Que je ne sais comment je vais je ne sais où. Tout en ayant l'air d'être le plus, aventureux des Romanti- ques, il ne leur fit jamais l'honneur de prendre au sérieux leurs fades et mystiques langueurs, leurs gothiques tendresses pour \