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                       ALFRED DE MUSSET.                       461
affecte des formes moins mystérieuses, plus humaines, je dirais
presque enfantines; et, à propos de cette épithète, il me souvient
d'une scène de la Confession d'un enfant du siècle, et, dans
cette scène, d'un mot qui m'a vivement frappé ! fer voi, bam-
bino mio, s'écrie, je ne sais plus quelle danseuse italienne, en
tendant son verre à Octave, le héros du livre, Mon bambin l 11
y a toujours, en effet, dans notre poète un peu de l'enfant bou-
deur, ennuyé, irritable, prêt à pleurer" et aimant ses pleurs. Ses
héroïnes le lui disent : « c'est la vérité, mon ami, je ne suis pas
votre maîtresse tous les jours. Il y en a beaucoup où je veux
être votre mère, où, lorsque vous me faites souffrir, je ne vois
plus en vous mon amant, vons n'êtes qu'un enfant malade, dé-
fiant ou mutin, que je veux soigner ou guérir. » Et le poète ré-
pond : ô ma brave maîtresse, tu as fait un homme d'an enfant,
et il ajoute en se parlant à lui-même : ô enfant ! « enfant, meurs
honnête, qu'on puisse pleurer sur ton tombeau ; » et, chose singu-
lière, cette habitude de se prendre pour un enfant ne choque pas
 dans M. Musset, tant elle semble répondre à sa nature. Chez
d'autres elle serait ridicule, parce qu'elle jurerait avec le fond
 ds sentiments, avec l'attitude. Même dans les Nuits admirables
dont nous avons parlé, où le poète se montre si grand, son ca-
ractère d'enfant lui reste : la musc le console ainsi :

             Comme une more vigilante
             Au berceau d'un fils bien aimé,
             Ami, je me penche tremblante
             Sur ce cœur qui m'était ferme !

  Avec un tel caractère, le penchant aux larmes va de soi. Mais,
chez le poète, celte préoccupation de larmes est si constante qu'il
est nécessaire de la faire ressortir. Les larmes sont pour lui plus
qu'une coquetterie, plus qu'un soulagemeût, elles sont pour lui
une arme, un secours, une religion, une force, une rédemption,
pour ainsi dire. Goethe estimait que l'homme était racheté du
moment qu'à travers le bien et le mal, il tendait plus haut,
quelque que fut d'ailleurs la voie qu'il avait suivie. Cette vertu
sanctifiante en elle-même, M. de Musset l'attribue aux larmes.