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ALFRED DE MUSSET. 451 soins de M. Nizard, le dernier défunt a été muni, suivant les rites prescrits et en présence du peuple assemblé, de l'obole destinée à payer le passage du §tyx, et marquée, comme de juste, à l'effigie de Boileau. 0 pauvre poète, ô cher et noble mort, vous n'étiez pas in- connaissable, je vous le jure dans le suprême accoutrement dont vous vous étiez affublé. Même vos ennemis, si vous en avez, en ont dû rire. Ni Margot, ni Suzon, les poétiques filles de votre cerveau, n'auraient voulu vous regarder. Deïdamia tout comme Belcolor auraient dit : ce n'est plus Frank le hardi chasseur, le coureur d'aventures, l'intrépide amant de la liberté; ce n'est plus Fortunio, ni Fantasio, celui que nous avons tant aimé ,• et si, dans ce moment, il eût pris fantaisie à Marion d'aller embrasser Rolla, elle était femme à le confondre avecM. Dupaty, l'auteur de Picaros et Diego, tant Rolla lui ressemblait. L'Aca- démie est donc comme la mort, elle impose, à ce qu'il parait, à tous ceux qui l'approchent l'égalité de la médiocrité. Il existe, en effet, un parlementarisme académique, — pardon pour cet affreux mot,—tout comme un parlementarisme po- litique et philosophique ; c'est comme un idiome adopté entre gens graves et mûrs et dont le propre est de ne, rien dire et de ne jamais compromettre ceux qui le parlent. Il semble avoir été inventé surtout pour le public qui écoute. A ceux qui entrent à l'Académie, on enseigne tout d'abord l'art de tirer honnêtement son chapeau à tel ou tel homme, à telle ou telle chose. Là l'hu- milité des attitudes est rachetée par la pompe du discours" Le trope y est cauteleux et diplomatique. Là le lieu commun règne en maître, béni de tout le monde, parcequ'il n'offusque personne ; une fois admis dans le docte cénacle, on n'a plus ni préférences, ni systèmes. Les écoles se taisent ; chacun coupe son panache, efface sa cocarde, rentre ses cornes, resserre ses coudes, se roule en boule dans son fauteuil. M. Proudhon serait de l'Aca- démie qu'il finirait par parler de 89 comme M. Guizot. Voyez ce qu'elle a fait de M. de Musset. En un jour, elle l'a rendu sage comme un bourgeois au lendemain d'une révo- lution. Pour ne citer qu'un exemple, ne lui a-t-elle pas ins-