Revue du Lyonnais » série 2 - n°4 ( 1852 ) » pp.294

294         SUR L'ENSEIGNEMENT DE LA PEINTURE.
pénurie de notre nature au même rang que celles qui excitent
en nous des idées de grandeur et qui élèvent et ennoblissent
l'humanité. C'est donc la raison et le bon goût qui marquent
le rang et l'estime que méritent chaque art et chaque partie de
l'art, suivant son importance. Ainsi, de même que la poésie
épique sera toujours au-dessus de tous les genres de poésie, la
peinture historique doit l'emporter sur tous les autres genres.
   Un grand philosophe, Kant, a dit que la poésie est l'infini dans
le fond et le fini dans la forme.
   Un poète lyonnais, Victor de Laprade a dit plus clairement
que l'art est la manifestation d'une idée infinie à l'aide d'une
forme finie.

              L'ART N'EXISTE QUE PAR LA POÉSIE.


    Lorsqu'un grand peintre, élève et successeur de David, le cé-
lèbre Ingres, maintient encore la tradition du beau et du grand
 style, n'est-il pas urgent de donner à cette tradition une im-
pulsion qui rende à la peinture cette inspiration idéale, dont la
source fut jadis dans les sentiments religieux, sentiments étouf-
fés par la philosophie du dernier siècle, et qu'il sera difficile de
jamais remplacer? Nous n'avons plus ni la foi ni l'amour qui
produisent les ouvrages sublimes. Gros, le peintre de Jaffa, fut,
dans la peinture, le dernier des représentants d'une grande épo-
que de gloire ; mais le génie dé Napoléon semble avoir éteint
avec lui la dernière étincelle qui eût pu rallumer le flambeau
des beaux-arts.
   Pourquoi donc nos peintres semblent-ils presque tous se li-
vrer uniquement à la partie matérielle de la peinture, sans s'in-
quiéter de son but et des conditions qui l'élèvent, au rang des
arts libéraux ? Celui qui ne cherche que l'imitation de la réalité
n'est qu'un artisan et non un artiste. L'artiste, dans ses ouvra-
ges, doit chercher la beauté au-dessus des êtres créés, en lui
donnant un certain idéal, qui émane d'une inspiration divine
qui constitue la poésie; car l'art n'existe que par la poésie.
   Eh i pourquoi certains écrivains, dont la critique devrait for-