page suivante »
132 K. BRJSEUX., cieux poèmes fut enfin admis, nous nous rappelons encore l'étran- ge réception que lui fit l'organe de l'Académie, membre éminent, il est vrai, homme politique, homme du monde, mais sans œu- vres littéraires. Ce fut une critique amère jusqu'à l'impolitesse de tous les écrits en prose dus à cette plume si noble, si fine, si pure, si distinguée qui nous a donné Chatterton, Stelïo, Ser- vitude et grandeur militaire. Quant à ses vers, on les tint pour non avenus; personne ne se fût douté qu'il s'agissait de l'écrivain qui, le premier en date avec Lamartine et Victor Hugo, a créé la poésie moderne. Nous admettons tout à fait la tradi- tion qui fait des académiciens à titre de grand seigneur ; mais autrefois ce titre obligeait dans l'Académie à une courtoisie plus parfaite encore vis-à -vis des académiciens littéraires. La qualité de gentillhomme de M. Alfred de Vigny ne suffisait pas pour dispenser de cette courtoisie le noble orateur qui lui ré- pondait. Certes, pour qu'un homme aussi éminent et d'aussi grand monde que M. le comte Mole fut à l'Académie si rude, si dédaigneux, si injuste, il fallait bien qu'il fût autorisé par quelque circonstance grave. Sa justification, la voici : il avait de- vant lui un homme qui n'avait été ni ministre , ni député, ni professeur, ni journaliste, ni diplomate , ni courtisan, il avait devant lui, en pleine Académie, un poète ! un homme qui te- nait, avant tout et par-dessus tout, même dans le fauteuil de l'Institut, à n'être qu'un poète. M. Briseux n'est qu'un poète; il n'a écrit que quatre volumes de Vers et pas une page de prose, pas même une tragédie. Sera-t-il de l'Académie? Depuis la der- nière élection, nous oson9 l'espérer. Victor DE LAPRA.DE.