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114                    NAPOLÉON A LYON.

    — Capitaine, répondit-il , la cavalerie de Vienne, aban-
donnant sa garnison, vient de se joindre aux soldats de l'Ile—
d'Elbe , en criant : Vive l'Empereur ! Les eclaireurs de la Garde
impériale commencent à se montrer à l'entrée du faubourg et
avant peu , selon toute apparence, le gros de l'armée y sera ar-
 rivé.
    — S'il en est ainsi, dit M. de ***, nous n'avons pas un
instant à perdre pour nous rendre auprès de Buonaparte•.Par-
tons , Messieurs, partons.
    — Eh quoi ! reprit le porteur de la nouvelle, vous croyez
pouvoir arriver jusqu'à l'Empereur avec vos cocardes blanches ?
    — Et qui pourrait s'y opposer? répliqua fièrement le colonel...
    — Qui ? et parbleu ! ceux qui en portent une autre !
    — Comment ! vous croyez qu'ils oseraient.. ?
    — S'ils oseraient ? Ah ! ils se gêneraient peut-être.
    — Ne plaisantons pas, jeune homme. Savez-vous , avez-vous
vu quelque chose qui puisse vous faire supposer.. ?
    — Moi ? je sais , j'ai vu que les soldats de Buonaparte,
comme vous l'appelez, enlèvent avec la pointe de leur sabre ou
de leur baïonnette toutes les cocardes blanches qu'on expose
imprudemment à leur vue, quels que soient ceux qui les por-
tent.
   Et le jeune homme appuya malicieusement sur ces derniers
mots.
   — Avec leur sabre ! avec leur baïonnette ! s'écria l'un des of-
ficiers de la députation, mais c'est une horreur, une véritable
profanation !
    — Allons, Messieurs , reprit M. de ***, je vois qu'il nous faut
ici subir une dure nécessité, mais nous ne devons pas, pour
notre seule satisfaction, exposer cette noble cocarde aux insultes
d'une horde de furieux. Quoiqu'il puisse nous en coûter, dépouil-
lons-nous pour quelques instants de ce signe vénéré, mais ne
nous en séparons pas : plaçons-le sur notre cœur.
   A ces mots, ces Messieurs détachèrent leur cocarde de leur
chapeau et la cachèrent sous leur uniforme.