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380 LOUIS-PHIUPPE D'ORLÉANS. avez de l'instruction, des lumières et mille autres vertus : chaque état demande des qualités particulières, et vous n'avez point celles qui font les grands rois. » Jugement remarquable sous la plume de son auteur, et dont l'importance n'a point été infirmée, ce me semble, par les événements posté- rieurs. Quoi qu'il en soit, le Directoire ne put entendre sans ombrage prononcer le nom du duc d'Orléans, et la pré- sence de ce prince en Allemagne commença à émouvoir sa sécurité. Il jugea prudent de mettre entre lui et la France l'immensité des mers, et fit ouvrir des négociations en ce sens auprès de la duchesse douairière d'Orléans. On lui pro- mit de lever le séquestre apposé sur ses biens, et de rendre la liberté à ses deux fils, encore détenus au château de Saint- Jean à Marseille. La duchesse écrivit à son fils aîné une lettre par laquelle elle le conjurait, dans les termes les plus tou- chants, de quitter l'Europe et de partir pour le continent américain. Le duc d'Orléans répondit par l'expression d'une prompte déférence aux désirs de sa mère. Il fit voile, en effet, vers la fin de septembre, sur le vaisseau Y America, pour Phi- ladelphie, où il arriva le 21 octobre 1796, au bout de 23 jours de traversée. Le duc de Monlpensier et le comte de Beaujolais recueil- lirent avec transport, de la bouche môme du général Willot, envoyé du Directoire, l'avis de leur libération et de leur réu- nion prochaine a ce frère perdu pour eux depuis tant d'an- nées. Leur amitié ne s'était jamais démentie, et les jeunes princes n'avaient point oublié que, lors de l'abolition du droit d'aînesse, le duc de Chartres s'était applaudi avec effusion d'une loi « qui ne lui ordonnait de faire, dit-il, que ce que son cœur avait déclaré d'avance. » Ils quittèrent Marseille au mois de no- vembre, mais ils n'abordèrent le sol américain qu'après une longue traversée, et ce ne fut que dans le courant de février