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                        NAPOLEON A LYON.                         111
bruyamment échapper les sentiments qu'elle avait contenus
jusques-là , se précipita sur le pont pour se porter vers la Guil-
lotière. Bientôt le pont ne suffisant plus au passage des masses
qui s'y pressaient, des bateaux y suppléèrent ; un grand nom-
bre de citoyens s'embarquèrent afin d'être plus promptement
transportés sur la rive gauche du fleuve ; plusieurs même, ne
pouvant trouver place dans les embarcations qu'on se disputait »
 se jetèrent dans le Rhône et le traversèrent à la nage , tout cela'
 dans l'espoir de contempler quelques instants plus tôt celui qui,
 depuis plus de vingt ans, n'avait cessé d'étonner la France et le
 monde par l'imprévu et le grandiose de ses résolutions. On vit
 alors ce que sont, en des circonstances données, le prestige du
 nom et la puissance de l'individualité : Napoléon revenait seul
 sans aucune force matérielle au milieu d'un peuple qu'on aurait
 pu croire fatigué de sa domination ; les Bourbons étaient maîtres
 d'une administration épurée , composée de leurs créatures ; ils
 disposaient d'une armée nombreuse sur laquelle , à la vérité, ils
 n'osaient guère compter, — et l'événement prouva que leur
 crainte à cet égard était parfaitement fondée ; — mais ils avaient
 derrière eux et pour eux les armées de toutes les puissances
 alliées. Avec Napoléon, c'était la guerre qui nous arrivait, la guerre
 européenne ; avec les Bourbons, l'on était assuré d'une longue paix ;
 les Lyonnais le savaient et pourtant ils n'hésitaient pas à courir
 au-devant de celui dont le seul retour détruisait cette paix si né-
 cessaire au développement et à la prospérité de leur plus riche
 industrie. Ce ne fut pas, ainsi qu'on les en a quelquefois accusés,
 par un aveugle attachement ou, si l'on veut, par un sot engoue-
 ment pour un homme, ce fut par un motif moins puéril, plus
  digne et plus honorable. En rentrant dans cette France à laquelle
 il avait suscité des ennemis pendant vingt-cinq ans, en y ren-
 trant à la suite des armées étrangères, en datant de la dix-neu-
  vième année de son règne , en se reconnaissant publiquement
 vassal du régent d'Angleterre , Louis XVIII avait profondément
 blessé la susceptibilité nationale ; Napoléon , au contraire , était
 la personnification la plus glorieuse de la nationalité française.