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                  LA TENTATION.                     291



Mais Jésus s'est muni du jeûne et du silence,
Et l'esprit garde en lui toute sa vigilance.
Il avait vu de loin poindre cet ennemi
Qui nous cherche dans l'ombre et prend l'homme endormi ;
Et pour la lutte armé d'une ardente prière
Il veillait et pleurait, à genoux sur la pierre.


« Mon père, disait-il, ma force est toute en vous ;
Vous seul accomplissez l'œuvre que je résous ;
Malgré ce nom de fils, dont votre amour me nomme,
Je suis faible et craintif du jour où je suis homme,
Et si votre vertu m'abandonne aujourd'hui
En moi le sang d'Adam faillira comme en lui.
Car tout nous vient de vous, de votre sein auguste,
La lumière de l'astre et la candeur du juste ;
Et tout s'éclipserait, l'âme et le firmament,
Si le flot créateur tarissait un moment.
Ce qui n'est pas de vous dans l'âme et la nature
N'est que mal ou néant et menteuse figure.
Tous les cœurs séparés de vous et qui croiront
Trouver en eux leur vie et leur vertu, mourront ;
Ils sont pareils au fleuve orgueilleux de sa course
Qui refuserait l'eau jaillissant de la source.
L'humilité reçoit à genoux sur le seuil
Ce flot vivifiant rejeté par l'orgueil.
Sur l'homme humble et contrit vos présents se répandent,
Car vous ne vous donnez qu'à ceux qui vous demandent.
Il suffit, en pleurant, de dire un de vos noms
Et tout ce qui nous manque alors nous l'obtenons.
Autour de nous rôdant, l'esprit de mort épie
L'heure où vous délaissez la maison de l'impie.
Telle, au soir, sur un mont d'abord clair et vermeil,
L'ombre envahit le flanc quitté par le soleil ;