page suivante »
120 NAPOLEON A LYON. à sa suite, le colonel me dit, en me montrant le sabre qui avait si souvent fixé son attention : « Oh ! que je serais heureux si je pouvais avoir un aigle comme celui que je vois là ! « Colonel, lui répondis-je, il est bien facile de vous procurer ce bonheur et j'en aurais un très-grand moi-même si vous vou- liez bien accepter un objet qui n'a quelque prix à mes yeux que parce que je puis vous l'offrir. » Allant alors détacher l'aigle de son baudrier, je le présentai au colonel qui le reçut avec autant de joie qu'en pourrait éprouver un enfant en se voyant tout-à -coup en possession d'un jouet longtemps désiré. Je ne rapporte cette circonstance, assez puérile en elle-même, que parce qu'elle fit concevoir un projet à l'exécution duquel la ville applaudissait deux jours plus tard et qui faillit avoir pour moi les conséquences les plus graves. Ge qu'on m'avait vu donner au colonel Germanowski mit la conversation sur la pénurie où se trouvaient les troupes ac- tuellement à Lyon de ces aigles qui devaient voler de clocher en clocher jusques sur les tours de Notre-Dame ; la garde elle- même en était dépourvue. 11 fut aussitôt résolu que les citoyens présents au dîner et ceux qui voudraient se réunir à eux fe- raient fabriquer un aigle et l'offriraient à l'empereur avant son départ pour être remis à sa garde au nom de l'industrie lyon- naise. On avait peu de temps pour faire préparer un pareil objet, mais on ne perdit pas un instant. M. Grognier, orfèvre d'un goût éprouvé, se chargea de le commander et d'en surveiller l'exécution : il alla immédiatement s'en occuper ; il eut le bonheur de rencontrer des ouvriers aussi zélés qu'intelligents ; ceyx-ci se mirent à l'œuvre sans retard, et, en vingt-quatre heures, l'aigle fut fondu, doré, monté, orné de sa cravate tricolore à longues crépines d'or et portant cette inscription gravée sur son socle .- " \ • LA GARDE IMPÉRIALE, « LES LYONNAIS INDUSTRIEUX, « MARS 1815. »