Revue du Lyonnais » série 1 - n°27 ( 1848 ) » pp.201

             DE LA ROYAUTÉ DE LOUIS-PHILIPPE.                    201
« Vive la ligne ! » quand celle-ci venait à passer. C'était le cri le
plus significatif de la journée. << Si nous pouvons seulement tenir
douze heures devant la ligne, elle est à nous , » avaient dit des
ouvriers à un fabricant, de qui nous tenions ce propos. « Vive la
ligne ! » étaient évidemment le mot d'ordre. Du reste, le mouve-
ment n'avait point encore de symbole positif. J'entendis un
homme , chargé de dire : « Vive la réforme ! » qui, apparemment
plus acoutumé aux à bas qu'aux vivats, s'écria par la force de
l'habitude : « A bas la réforme ! » et se reprit en riant. Le peuple
en voulait beaucoup aux gardes municipaux de ce qu'ils donnaient
quelques coups de sabre et ne se contenaient pas toujours au point
de repousser pacifiquement la foule. Sur les boulevards, les ma-
gasins commençaient à se fermer.
   Telle fut la physionomie de la première journée. M. Guizot,
déjà, ne dînait ni ne couchait plus à son hôtel. Mais personne ne
croyait à rien de sérieux. Louis-Philippe passe pour avoir dit le
soir à un ambassadeur .- « Je suis tellement à cheval ou , si vous
voulez, à califourchon sur mon gouvernement, que je ne crains
rien, ni un changement de ministère, ni une désobéissance à mes
volontés. C'est toujours le quos vult perdere dementat; c'est
toujours
                        cet esprit de vertige et d'erreur,
             De U chute des rois funeste avant-coureur.

Une longue prospérité enivre et aveugle les simples particuliers ,
même les plus modérés et les plus défiants. Que doit-ce être pour
ceux qui sont au pouvoir ! Il se forme dans les cours comme une
autre atmosphère, laquelle empêche ceux qui y vivent de bien
voir ce qui se passe au dehors et d'en apprécier l'importance : elle
les enveloppe d'un voile , elle trouble leur entendement et leurs
regards. « Politique de cafés ! propos de cafés ! » répondaient
M. Guizot et Louis-Philippe, lorsqu'on voulait leur représenter la
situation. Comme si la politique des cafés n'était pas celle du grand
nombre et ne signalait pas l'opinion ! — « Le voi nous perdra , •    >
aurait dit l'infortunée duchesse d'Orléans ; le voyage du prince
de Joinville à Alger aurait été, assure-t-on encore , une espèce