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432 LOUIS-PHILIPPE U'ORLÉANS. Toujours attentif à ménager sa fortune, le courtisan des Tui- leries reprenait dans les salons du Palais-Royal, au milieu des banquiers de Paris, des orateurs de l'opposition, des gé- néraux de l'Empire, ses premières aspirations d'indépendance, et s'efforçait de voiler sous les réminiscences patriotiques de 1792, ses offres infructueuses de service contre la France im- périale. Il accueillait ceux qui croyaient avoir à se plaindre de la Restauration, et réparait quelquefois ses torts ou ses imprudences à leur égard par l'éclat populaire de ses propres bienfaits. Les magnifiques toiles dans lesquelles le génie d'Horace Vernet faisait revivre les batailles de la République et de l'Empire étalaient à la fois dans ses galeries le luxe et l'innocence d'une opposition qui ne se prenait qu'au côté glorieux et irréprochable des vingt-cinq ans d'interrègne. Point d'impatience, d'ailleurs, point d'empressement. Appli- qué avec zèle à la gestion de son immense patrimoine, à l'éducation de ses enfants, il écartait, par l'exagération même de ces devoirs, le soupçon de préoccupations moins innocentes. S'il exerçait quelques critiques plus ou moins mesurées sur la marche du gouvernement, c'était toujours dans l'intimité d'une société sûre et dévouée. Père d'une belle et nombreuse famille, il ne repoussait point l'une des plus brillantes cou- ronnes de l'univers; mais, patient et réservé dans son ambition, il évitait avec soin tout ce qui pouvait donner à ses vues et à ses espérances la couleur d'une intrigue ou d'un complot. Il laissait en quelque sorte la royauté venir doucement à lui, et semblait moins occupé de faire naître les occasions de la conquérir, que de se tenir prêt à profiter des chances que les fautes ou les embarras de la Restauration pourraient créer en sa faveur. Politique la plus dangereuse pour les gouver- nements qu'elle menace , en ce que, active dans son immo- bilité, elle procure à la longue tous les avantages d'une agression décidée, sans en offrir les périls.