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286                       LA TENTATION.
      Dont la nature aux yeux de l'homme qu'elle entraîne
      S'entoure pour le vaincre et rester souveraine.


      Durant quarante jours, sur les sommets ardus
      Qu'interdit le vertige aux voyants éperdus,
      Il habita, jeûnant de toute nourriture
      Par l'homme préparée ou prise à la nature ;
      Sevrant surtout son âme, attentif à bannir
      Tout terrestre aliment et jusqu'au souvenir ;
      Faisant place au Seigneur, rendant son cœur semblable
      A la virginité de la neige et du sable ;
      Et, pour garder au Verbe un vase sans levain,
      N'admettant rien en soi si ce n'est le divin.


      Les oasis tendant sous ses pas leurs embûches ;
      Etalaient devant lui leurs sources et leurs ruches,
      Trésors plus séduisants, car ils sont plus cachés
      Par des vagues de sable ou des murs de rochers.
      Le gazon, près des puits, semé de fleurs sans nombre,
      Formait pour la mollesse un lit tout baigné d'ombre ;
      Mille arbres y versaient leur fraîcheur et leurs fruits.
      L'air, au sein des rameaux, éveillait ces doux bruits,
      Ces souffles qui, passant sur des âmes lassées,
      En rêves fugitifs effeuillent les pensées,
      Et comme une poussière, en leur vol énervant,
      Emportent nos vouloirs dissipés à tout vent.
      Pour l'enivrer de loin et l'avoir par surprise,
      Les jardins lui jetaient leurs senteurs dans la brise,
      Afin qu'à son insçu le charme amolissant,
      Avec l'air respiré, pénétrât dans son sang.
      Sur un fond sablé d'or l'eau, qui brille et fascine,
      Creusait là, pour le bain une fraîche piscine,
      Dans l'herbe et dans les fleurs s'encadrait en miroir ;
      Onde flatteuse où l'homme a plaisir de se voir,
      Et qui tient, l'entourant d'azur et de nuage