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00                    MOLIÈRE A LOUIS XIV.

     Tels, dont l'aube fut claire, auront des soirs bien tristes !
     Et ce m'est un chagrin, toujours des plus nouveaux,
     De voir tant d'impuissance à de puissants cerveaux.
     Mais les Alpes dans l'air ne dressent haut leurs cimes
     Qu'à la condition d'insondables abîmes,
     Et l'aigle, qui promène aux cieux son libre vol,
     Trébuche quand il fait deux pas sur notre sol.

     Donc, Sire, les pinceaux, et la lyre, et la plume,
     Tout ce qui veut briller, à vos rayons s'allume ;
     Superbe avec les rois et simple à noire égard,
     Vous inspirez d'un mot, vous payez d'un regard ;
     Et le front qui s'élève et qu'un laurier décore,
     En vous baissant vers lui, vous l'élevez encore.
     Mais, bien que le premier des princes d'ici-bas,
     Ce qui ne paraît point, vous ne le voyez pas.
     Or, les états toujours auront, en trop grand nombre,
     Jeunes ou vieillissants, de ces talents, dont l'ombre,
     Comme une terre avare, enferme les joyaux,
     Et qu'un voile obstiné cache aux bienfaits royaux.
     Par des travaux grossiers, ou par les maladies
     L'imagination et les mains engourdies,
     Virgiles étouffés, ou Raphaëls perclus,
     Ceux-là ne peuvent pas, ceux-ci ne peuvent plus.
     Et comme nul écho ne redit leur souffrance,
     Pour le monarque, épris des splendeurs de la France,
     Les uns ne sont pas nés, et les autres sont morts. —

     N'auront-ils pas le cœur tenaillé de remords,
     Les hommes qui, de près voyant ces infortunes,
     Les écartent du prince à titre d'importunes,
     Et qui, dans les fléaux se mettant de moitié,
     Refusent au talent jusques à la pitié !

     Ah ! Sire, évidemment quelque chose est à faire.
     La police — souffrez que je vous en réfère,—