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490 vous interdire, est, vous l'avouerez, peu propre à me rassurer sur votre délicatesse et — Vous vous trompez étrangement, Madame; je n'ai, en aucune manière, l'inten- tion de vous offenser ; je ne veux pas même voir ce portrait, mais je parierais que c'est celui de ce pauvre Roger de B. ne- veu de votre mari, modeste enseigne de la Circé, que vous deviez épouser, quand un dérangement de fortune engagea vos parents à vous donner au commandant K. Pour les au- tres femmes le mariage, privé de la sauve-garde de l'amour, n'est qu'un péril de plus ; pour vous c'est un lien respecté au- quel vous vous immolez tout entière ; nul plus que moi n'ad- înire, je vous le jure, votre vertueuse résignation ; mais bri- sons-la, puisque vous l'exigez. Il est entendu que je reste ici jusqu'à demain soir ; je vais passer dans cette pièce afin de vous donner le temps de vous vêtir, et vous me permettrez de venir sécher mes haillons auprès de votre feu. Quand Madme de K. fut seule, il lui sembla qu'elle se ré- veillait d'un horrible rêve; tout ce qui venait de lui arriver lui paraissait fantastique ; mais bientôt écoutant son cœur plutôt que ses craintes, elle surmonta son émotion, et alla ouvrir la porte qui la séparait de son étrange visiteur : « Monsieur, vous êtes mouillé, vous avez froid, je puis vous donner quelques vê- tements, du linge, changez; nous brûlerons vos habits. » Ces mots apprirent au forçat que Madme de K. avait pris son parti de sa bizarre aventure, et qu'elle consentait à être son hôte et sa complice. Lorsqu'il reparut elle eut peine à le reconnaître ; maintenant qu'il n'avait plus cette odieuse veste rouge, il était bien moins effrayant; ses yeux paraissaient plus doux, sa contenance était plus calme ; enfin elle n'eut plus peur. — Je vais faire bon feu pour brûler tout cela, dit-elle en jetant les yeux sur les vêtements que l'inconnu avait posé auprès de la cheminée. —Oui, dit-il, mais ceci? et déroulant sa hideuse dépouille, il en fit sortir le boulon que les forçats portent à la