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477 sent sur des bases solides et sont en possession d'importants et d'incontestables résultats. Cette différence de fortune, Kant l'attribue à la différence des méthodes. La logique, les ma- thématiques, la mécanique laissent de côté ce qu'il y a de variable, de mobile dans les objets et dans l'expérience, pour n'en rechercher que les lois fixes et immuables, lois qui, en dernière analyse, ne sont que des conceptions et des lois de l'esprit humain lui-môme. La métaphysique au contraire s'est perdue en des hypothèses sans fin sur Pieu, sur l'homme et sur le monde ; elle a envisagé les objets de la connaissance qui sont variables et multiples à l'infini, et non le sujet de la connaissance qui est un et identique, fixe et immuable dans ses formes et dans ses lois. Avant d'élever un édifice, il faut s'enquérir de ses fondements. On a fait le contraire jusqu'à présent en philosophie, on a élevé d'abord l'édifice, puis on s'est enquis des fondements, de là ces hypothèses, ces incertitudes, ces contradictions dans lesquelles la science se perd et se discrédite. La portée de la métaphysique dé- pend évidemment de la portée du sujet qui connaît, il faut donc avant tout s'assurer de cette portée. Toute connaissance est au fond un jugement et il y a trois grandes classes de jugements : les jugements analytiques dans lesquels l'attribut est déduit du sujet par voie d'analyse, et, qui n'ajoutent rien à la connaissance ; les jugements synthétiques a pos- teriori dans lesquels l'attribut est uni au sujet en vertu d'une expérience, et les jugements synthétiques a priori dans les- quels l'attribut est uni au sujet, non plus en vertu d'une expérience, mais en vertu d'un rapport primitif et nécessaire. Les jugements synthétiques a priori sont donc les seuls qui dépassent ou du moins qui ont la prétention de dépasser les bornes de l'expérience, et l'objet de la métaphysique étant placé en dehors de l'expérience, il en résulte que la métaphysique tout entière a pour fondement des jugements.