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468 d'une lumière plus vive, lorsqu'ils seront placés en face de leurs émules. Ainsi Dante et Milton nous rappelleront Homère; le Tasse, l'Arioste, Virgile et Ovide. Nous opposerons Shakspeare à Sophocle; Gœthe à Euripide ; Calderon et Schiller, à Cor- neille et à Racine : lutte inégale, mais non pas infruc- tueuse, d'où jailliront d'utiles réflexions ; où nous verrons le Parnasse antique, cette assemblée des dieux qui régnent sur le bon goût, se relever plus grand, plus majestueux, devant une assemblée nouvelle, composée d'éléments divers, qui n'ont pas la sanction des âges, mais qui combattent du moins avec éclat, avec vigueur, avec persévérance, sous le poids de circonstances fâcheuses, contre la désespérante perfection de leurs modèles. De celte comparaison attentive résulteront né- cessairement des conséquences nombreuses, dont l'application aura l'avantage certain d'enrichir la mémoire, d'exercer le jugement, de mûrir et de fortifier les idées, et d'élargir par un effort facile le cercle de nos jouissances intellectuelles. C'est à une étude de ce genre que je me propose de me li- vrer avec vous, Messieurs, en tâchant de développer à vos yeux l'origine et les progrès de la poésie anglaise. C'est une vérité depuis longtemps reconnue, et devenue banale par son évidence même, que chaque nation se reflète dans sa littéra- ture, que ses principes, ses mœurs, son caractère, se repro- duisent dans sa poésie surtout, comme dans une glace pure et brillante. Cette vérité est généralement reconnue, mais en est-elle observée davantage ? En garde-t-on toujours le souvenir dans les sentences littéraires que l'on porte ; et n'ar- rive-t-il pas trop souvent que l'on juge les génies de l'An- gleterre et de l'Allemagne, Shakspeare, Milton, Schiller, par exemple, avec des yeux grecs ou romains ? Il est vrai que, depuis un quart de siècle, la médaille a changé de face, et qu'on est plus disposé encore (dirai-je heureusement ? dirai-je