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 d'une lumière plus vive, lorsqu'ils seront placés en face de
leurs émules.
    Ainsi Dante et Milton nous rappelleront Homère; le Tasse,
l'Arioste, Virgile et Ovide. Nous opposerons Shakspeare à
Sophocle; Gœthe à Euripide ; Calderon et Schiller, à Cor-
neille et à Racine : lutte inégale, mais non pas infruc-
tueuse, d'où jailliront d'utiles réflexions ; où nous verrons le
Parnasse antique, cette assemblée des dieux qui régnent sur
le bon goût, se relever plus grand, plus majestueux, devant
une assemblée nouvelle, composée d'éléments divers, qui
n'ont pas la sanction des âges, mais qui combattent du moins
 avec éclat, avec vigueur, avec persévérance, sous le poids de
circonstances fâcheuses, contre la désespérante perfection de
leurs modèles. De celte comparaison attentive résulteront né-
 cessairement des conséquences nombreuses, dont l'application
 aura l'avantage certain d'enrichir la mémoire, d'exercer le
jugement, de mûrir et de fortifier les idées, et d'élargir par
un effort facile le cercle de nos jouissances intellectuelles.
    C'est à une étude de ce genre que je me propose de me li-
 vrer avec vous, Messieurs, en tâchant de développer à vos
 yeux l'origine et les progrès de la poésie anglaise. C'est une
vérité depuis longtemps reconnue, et devenue banale par son
 évidence même, que chaque nation se reflète dans sa littéra-
 ture, que ses principes, ses mœurs, son caractère, se repro-
 duisent dans sa poésie surtout, comme dans une glace pure
et brillante. Cette vérité est généralement reconnue, mais
en est-elle observée davantage ? En garde-t-on toujours le
 souvenir dans les sentences littéraires que l'on porte ; et n'ar-
 rive-t-il pas trop souvent que l'on juge les génies de l'An-
gleterre et de l'Allemagne, Shakspeare, Milton, Schiller, par
exemple, avec des yeux grecs ou romains ? Il est vrai que,
 depuis un quart de siècle, la médaille a changé de face, et
qu'on est plus disposé encore (dirai-je heureusement ? dirai-je