page suivante »
248 avant Victor Hugo, en même temps que Lamartine; qui a fait Eloa, Moïse, Dolorida, le Déluge; un homme qui, outre de pareils titres, les seuls qui de- vraient compter, possède la distinction de position et de manières que l'Acadé- mie a la prétention de rechercher avec les candidatures aristocratiques; M. le comte Alfred de Vigny enfin, dont le noble caractère est aussi connu que le beau talent, eh ! bien, M. de Vigny a eu huit voix ! Mais M. le chancelier a-t-il au moins écrit une histoire quelconque, comme M. de Saint-Aulaire, ou un pamphlet de trente pages, comme M. Mole? Non, tous les titres littéraires de M. Pasquier ce sont les interrogatoires de Fieschi, d'Alibaud et de Darmès et les harangues officielles du premier mai. Il est, dit-on, de tradition à l'Académie d'accorder quelques fauteuils aux grands seigneurs ; c'est en qualité de gentilhomme que siégera M. Pasquier. Dans l'ancienne société française, il y avait peut-être quelques motifs plausibles de cette faveur faite à la noblesse ; mais qu'est-ce que la noblesse aujourd'hui? Où sont, dans la France officielle de 1S42, les seigneurs au beau langage, aux grandes manières. L'aristocratie du jour tient cour plénière à la Bourse et à Tortoni ; est-ce là désormais que l'Académie devra se recruter? A l'heure qu'il est, le plus grand seigneur de France c'est M. Rostchild ; pourquoi M. Rostchild ne demande-t-il pas un fauteuil à l'Institut? Il l'obtiendrait, n'en doutons pas, pour peu qu'il n'eût d'autres compétiteurs que Lamennais ou Béranger, ou Alfred de Vigny, et qu'un autre candidat plus avant que lui dans les intrigues politiques ou la domesticité royale ne se fit pas le concurrent du premier baron juif. Est-ce donc la noblesse que l'Académie distingue en la personne de M. Pasquier ? mais si elle veut hlasonner ses fauteuils, elle aurait pu trouver de plus fières armoiries! les alérions de Montmorency ou les macles de Rohan feraient, ce nous semble, meilleure figure que la perruque rousse de M. le chancelier? Est-ce l'éloquence? Mais naguères on a repoussé la candidature de M. Berryer ; c'est donc le savoir faire politique; mais, en hommes politiques de toutes valeurs, l'Académie est riche déjà dans une effrayante proportion. N'a-t-elle pas M. Mole le ministre, M. de Saint-Aulaire le diplomate, M. Dupin l'avocat, qui écrit en si beau français, etM. Thiers, etM. Mignet, et M. Guizot, et M. de Tocqueville et d'autres? Eh! Messieurs les politiques, à quoi sert donc votre section des sciences morales, nouvellement restaurée sous les aus- pices de M. de Talleyrand? Certes, si Victor Hugo, ou Alfred de Vigny ou Béranger frappaient à la porte de ce sanctuaire, vous vous récrieriez bien fort sur les prétentions de la poésie ; n'ayez, peur, elle n'ira pas vous troubler ; gardez vos Dupin, vos Mole et vos Pasquier, mais n'interdissez pas l'Académie française à Alfred de Vigny et à Béranger. Du reste, l'amour des lettres n'est plus en France qu'une vieille tradition de