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 avant Victor Hugo, en même temps que Lamartine; qui a fait Eloa, Moïse,
Dolorida, le Déluge; un homme qui, outre de pareils titres, les seuls qui de-
vraient compter, possède la distinction de position et de manières que l'Acadé-
mie a la prétention de rechercher avec les candidatures aristocratiques; M. le
comte Alfred de Vigny enfin, dont le noble caractère est aussi connu que le
beau talent, eh ! bien, M. de Vigny a eu huit voix ! Mais M. le chancelier a-t-il
au moins écrit une histoire quelconque, comme M. de Saint-Aulaire, ou un
pamphlet de trente pages, comme M. Mole? Non, tous les titres littéraires de
M. Pasquier ce sont les interrogatoires de Fieschi, d'Alibaud et de Darmès et
les harangues officielles du premier mai.
    Il est, dit-on, de tradition à l'Académie d'accorder quelques fauteuils aux
grands seigneurs ; c'est en qualité de gentilhomme que siégera M. Pasquier.
Dans l'ancienne société française, il y avait peut-être quelques motifs plausibles
de cette faveur faite à la noblesse ; mais qu'est-ce que la noblesse aujourd'hui?
Où sont, dans la France officielle de 1S42, les seigneurs au beau langage, aux
grandes manières. L'aristocratie du jour tient cour plénière à la Bourse et à
Tortoni ; est-ce là désormais que l'Académie devra se recruter? A l'heure qu'il
est, le plus grand seigneur de France c'est M. Rostchild ; pourquoi M. Rostchild
ne demande-t-il pas un fauteuil à l'Institut? Il l'obtiendrait, n'en doutons pas,
pour peu qu'il n'eût d'autres compétiteurs que Lamennais ou Béranger, ou
Alfred de Vigny, et qu'un autre candidat plus avant que lui dans les intrigues
politiques ou la domesticité royale ne se fit pas le concurrent du premier baron
juif. Est-ce donc la noblesse que l'Académie distingue en la personne de
M. Pasquier ? mais si elle veut hlasonner ses fauteuils, elle aurait pu trouver de
plus fières armoiries! les alérions de Montmorency ou les macles de Rohan
feraient, ce nous semble, meilleure figure que la perruque rousse de M. le
chancelier? Est-ce l'éloquence? Mais naguères on a repoussé la candidature de
M. Berryer ; c'est donc le savoir faire politique; mais, en hommes politiques de
toutes valeurs, l'Académie est riche déjà dans une effrayante proportion.
N'a-t-elle pas M. Mole le ministre, M. de Saint-Aulaire le diplomate, M. Dupin
l'avocat, qui écrit en si beau français, etM. Thiers, etM. Mignet, et M. Guizot,
et M. de Tocqueville et d'autres? Eh! Messieurs les politiques, à quoi sert
donc votre section des sciences morales, nouvellement restaurée sous les aus-
pices de M. de Talleyrand? Certes, si Victor Hugo, ou Alfred de Vigny ou
Béranger frappaient à la porte de ce sanctuaire, vous vous récrieriez bien fort
sur les prétentions de la poésie ; n'ayez, peur, elle n'ira pas vous troubler ;
gardez vos Dupin, vos Mole et vos Pasquier, mais n'interdissez pas l'Académie
 française à Alfred de Vigny et à Béranger.
   Du reste, l'amour des lettres n'est plus en France qu'une vieille tradition de