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246 nu crédit qu'elle sait si bien faire valoir quand il s'agit d'intérêts particuliers ? A en juger par les résultats, il est permis de croire le contraire. En attendant, non seulement les enfants de la population ouvrière de notre ville demeu- rent privés d'un bienfait qui leur était destiné, mais on décourage les h o - norables citoyens qui, animés d'une pensée de bien public, seraient tentés d'imiter le noble exemple de M . Eynard. Ai-je besoin de dire qu'aveuglés par l'intérêt personnel, les collatéraux font valoir en leur faveur de pitoyables arguments. On ne croirait pas qu'ils osent invoquer en leur faveur la mo- rale, si l'on ne savait à quel point sont aujourd'hui dépravées les idées morales en ce qui touche à l'intérêt public, aux droits d'une cité, aux droits de l'Etat. Un des arguments sur lequel on insiste le plus est celui de la captation. Hélas ! nous ne sommes pas accoutumés à voir en dehors des commu- nautés religieuses, des administrateurs prendre si chaudement à cœur l'intérêt général qui leur est confié, qu'on puisse légitimement les accuser de cap- tation. Au reste, dans le cas actuel, M . Montmartin fait bonne justice de cet argument. Mais d'ailleurs, lorsqu'il s'agit d'intérêt public ce reproche de captation est un reproche dont il ne faut pas s'épouvanter. Autant la captation qui s'exerce en secret au profit d'un intérêt privé est méprisable ou odieuse, autant une captation qui s'exercerait publiquement au nom d'un intérêt général serait noble et légitime. J e n'ai jamais compris comment l'État ou les villes négligeaient de faire jouer un ressort qui pouvait si puissamment contribuer au bien public. Si ce ressort était habilement mis eu jeu, combien de citoyens au lieu de laisser leur fortune à des collatéraux insouciants ou désireux de leur mort, en doteraient l'État ou leur ville na- tale. Non seulement une telle captation serait utile dans ses effets, mais en- core elle serait d'une haute moralité dans son principe, car elle tendrait à exciter dans les âmes le sentiment du bien public. Pourquoi donc la ville de Lyon, par exemple, n'aurait-elle pas dans son Hôtel-de-Ville une salle consacrée à la mémoire des bienfaiteurs de la cité ? Pourquoi ces noms, dans des cérémonies publiques, ne seraient-ils pas rappelés à la mémoire de leurs concitoyens reconnaissants? Pourquoi les rues, les places, les monuments publics ne porteraient-ils pas les noms de ceux qui par leurs largesses au- raient contribué à en doter la v i l l e ? J e suis persuadé que des moyens de celte nature, employés habilement par une administration intelligente, ne de- meureraient pas sans résultats et augmenteraient les ressources de la cité de manière à lui permettre de réaliser quelques grandes et urgentes améliora- tions. Mais il n'en sera pas ainsi tant que l'exécution des volontés de ceux qui consacrent leur fortune à un œuvre d'intérêt général rencontrera autant de délais et d'obstacles.