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tence personnelle et spirituelle, et c'est le péril que Kant veut évi-
ter ; mais il a été plus heureux que sage ; car ses raisonnements
contre ce qu'il appelle les sophismes de l'ancienne méthode, ne sont
eux-mêmes que des sophismes, qui reposent, comme je l'ai déjà dit,
sur l'artifice d'un problème présenté à dessein avec de données con-
tradictoires et insolubles. Renversons cet échafaudage dans son
principe, dans la prétention de donner à la psychologie rationnelle
un fondement pur de toute expérience.
   Entendons-nous bien ici encore une fois. La raison tire son auto-
rité d'elle-même ; toute certitude vient d'elle, et d'elle seule ; elle est
le seul fondement des vraies sciences, de la psychologie rationnelle
comme de la haute physique, de la mécanique, de la logique, des
mathématiques. Mais la raison, bien qu'essentiellement indépendante
do l'expérience, est, dans l'état présent des choses, soumise à cette
condition de ne paraître qu'à l'occasion de quelque expérience, soit
externe, soit interne. Si dans l'expérience externe et sensible ne
nous avaient pas été donnés des phénomènes de grandeur et de
quantité, des triangles et des cercles imparfaits, jamais la raison
n'aurait conçu les figures parfaites, les définitions d'où sont sorties
les mathématiques. Ces définitions sont-elles empiriques parce que
la raison les conçoit à l'occasion de l'expérience ? Si les actions et
les réactions naturelles des corps n'avaient frappé nos sens, jamais
la raison ne se serait élevée aux principes de la mécanique. Si des
pensées particulières n'étaient pas tombées sous l'œil de la cons-
cience, jamais nous n'aurions découvert les lois générales de la pen-
sée ; ces lois sont-elles empiriques parce qu'elles se manifestent dans
l'expérience intérieure? 11 ne faut pas confondre ces deux notions,
être distinct et être séparé de l'expérience. La raison est distincte
en soi de l'expérience, elle n'en est point séparée. Pour reconnaître
son autorité, attendez-vous ou prétendez-vous qu'elle paraisse seule ?
 Vous attendez et vous prétendez l'impossible, et vous n'obtiendrez
qu'une abstraction, c'est-à-dire la chose la plus facile et en même
temps la plus vaine. Dans la vie réelle de l'ame, tout nous est donné
avec tout : les sens, la conscience, la raison se développent simulta-
nément et réciproquement. Distinguons, ne séparons pas. Séparez-
 vous la raison des sens ? la raison demeure muette. Les sens tout