page suivante »
216 tence personnelle et spirituelle, et c'est le péril que Kant veut évi- ter ; mais il a été plus heureux que sage ; car ses raisonnements contre ce qu'il appelle les sophismes de l'ancienne méthode, ne sont eux-mêmes que des sophismes, qui reposent, comme je l'ai déjà dit, sur l'artifice d'un problème présenté à dessein avec de données con- tradictoires et insolubles. Renversons cet échafaudage dans son principe, dans la prétention de donner à la psychologie rationnelle un fondement pur de toute expérience. Entendons-nous bien ici encore une fois. La raison tire son auto- rité d'elle-même ; toute certitude vient d'elle, et d'elle seule ; elle est le seul fondement des vraies sciences, de la psychologie rationnelle comme de la haute physique, de la mécanique, de la logique, des mathématiques. Mais la raison, bien qu'essentiellement indépendante do l'expérience, est, dans l'état présent des choses, soumise à cette condition de ne paraître qu'à l'occasion de quelque expérience, soit externe, soit interne. Si dans l'expérience externe et sensible ne nous avaient pas été donnés des phénomènes de grandeur et de quantité, des triangles et des cercles imparfaits, jamais la raison n'aurait conçu les figures parfaites, les définitions d'où sont sorties les mathématiques. Ces définitions sont-elles empiriques parce que la raison les conçoit à l'occasion de l'expérience ? Si les actions et les réactions naturelles des corps n'avaient frappé nos sens, jamais la raison ne se serait élevée aux principes de la mécanique. Si des pensées particulières n'étaient pas tombées sous l'œil de la cons- cience, jamais nous n'aurions découvert les lois générales de la pen- sée ; ces lois sont-elles empiriques parce qu'elles se manifestent dans l'expérience intérieure? 11 ne faut pas confondre ces deux notions, être distinct et être séparé de l'expérience. La raison est distincte en soi de l'expérience, elle n'en est point séparée. Pour reconnaître son autorité, attendez-vous ou prétendez-vous qu'elle paraisse seule ? Vous attendez et vous prétendez l'impossible, et vous n'obtiendrez qu'une abstraction, c'est-à -dire la chose la plus facile et en même temps la plus vaine. Dans la vie réelle de l'ame, tout nous est donné avec tout : les sens, la conscience, la raison se développent simulta- nément et réciproquement. Distinguons, ne séparons pas. Séparez- vous la raison des sens ? la raison demeure muette. Les sens tout