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rappeler ici les principaux traits et d'en apprécier les résultats.
Montesquieu, qui, dans son livre de l'Esprit des Lois, a porté
de rapides et ingénieux jugements sur les grands hommes des
temps modernes, aussi bien que sur ceux de l'antiquité, dit,
après avoir cité une maxime politique de Richelieu : « Quand
« cet homme n'aurait pas eu le despotisme dans le cœur, il
« l'aurait eu dans la tête (1). » Cette réflexion, comme beau-
coup des sentences exprimées par Montesquieu, est plus pré-
tentieuse que juste, plus brillante que solide. Richelieu a eu
surtout le despotisme dans la tête ; ou, pour mieux dire, c'est
de sang-froid, avec calme et réflexion, qu'il a conçu cet
idéal d'une autorité suprême, centrale, unique, absolue, à la
réalisation duquel il marcha avec une admirable constance.
Le grand cardinal dont les actions et les projets viennent de
nous occuper, ne fut pas un chevalier errant de la politique ;
jamais le cœur, jamais la passion ne le fit agir. Il procédait
avec un sang-froid imperturbable, malgré les préjugés, et
à travers les intrigues et les passions que son entourage mettait
en jeu; chez lui l'intelligence seule guida la main et dicta
tous les actes. Il faut avouer, du reste, que l'intelligence le
servit merveilleusement, et il suffit, pour s'en convaincre, de
comparer la situation de la France au commencement et à
la fin de son ministère.
   D'abord, à l'extérieur, des alliances rompues, des frontières
menacées ou même envahies, les étrangers intervenant sans
cesse dans les troubles politiques ou religieux, le protestan-
tisme abattu au détriment de la France, et les deux branches
de la maison d'Autriche triomphant sur tous les points ; tel
est le triste et sombre tableau que nous offrent, comme nous
l'avons montré, et la France et l'Europe, lorsque Richelieu
fut appelé à prendre la direction des affaires. Dix-huit ans

  (i) Esprit des Lois, V, 10.