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ces embarras contre lesquels lutte la philosophie, sont mani-
festes et ne sauraient être dissimulés.
   Jamais réaction plus puissante de la part de la vie active et
réelle ne s'est élevée contre la philosophie qu'à l'époque où
nous sommes. Cela prouve que la philosophie a pénétré jus-
qu'aux questions les plus vitales delà société, pour lesquelles il
n'est permis à personne d'être indifférent.Tant que la philoso-
phie n'est arrivée qu'à ses premiers éléments et qu'elle n'est
qu'aux premiers degrés de sa progression, personne dans le
monde ne s'occupe d'elle, si ce n'est celui qui en fait l'affaire
de sa vie. Tous les autres hommes attendent la philosophie à
son dernier mot, car elle n'acquiert de l'importance pour le
public en général que par ses résultats.
   L'inexpérience la plus profonde peut seule s'imaginer que
le monde soit disposé à prendre pour le résultat réel d'une phi-
losophie solide et fondée, ce que le premier venu lui présente-
rait comme tel. S'il en était ainsi, le monde serait obligé de se
soumettre, selon les circonstances, aux doctrines les plus con-
traires à la saine morale, à celles môme qui en saperaient les
fondements ; mais il n'y a personne qui s'attende à cela de la
philosophie. On n'a pas encore trouvé un philosophe qui eût
osé soutenir une telle absurdité. Le monde, d'ailleurs, sur ce
point, ne s'en laisserait pas imposer; il dirait qu'il n'entend
rien au fond, ni à la marche artificielle et embarrassée des ar-
guments. Sans s'y arrêter, les hommes soutiendront qu'une
philosophie qui mène à de tels résultats ne saurait être vraie
dans ses principes. Ce que la morale romaine a dit de l'utile :
Nihil utile nisi quod honestum, doit encore être appliqué à la
recherche de la vérité. Ainsi ce que tout le monde reconnaît
 touchant la morale, doit aussi s'appliquer à toutes les autres
convictions qui forment les liens de la société humaine, et
principalement aux convictions religieuses. Nulle philosophie
qui se respecte n'avouera qu'elle mène à l'irréligion. Mais la