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fiaient s'asseoir en ce lieu, dont l'admirable construction ne laissait
rien perdre à leurs oreilles. On n'avait pas oublié non plus le plaisir
des yeux. Les Grecs le consultèrent toujours dans l'orientation de
leurs théâtres. Au nord, apparaissaient au loin les côtes delà Calabre
et le détroit ; au midi, le front neigeux de l'Etna et ses flancs sillon-
nés de laves. La scène était tournée vers l'orient, vers la Grèce,
métropole de la'colonie. A travers les portiques ouverts on aperce-
vait la mer Ionienne. Les mêmes flots qui battaient les rivages d'O-
lympie et de Corinthe venaient mourir sur les bords de la Sicile, et
s'étonnaient d'y retrouver encore un écho harmonieux des chœurs de
Sophocle et d'Euripide.
A Syracuse, il faut chercher d'autres spectacles. La cité actuelle,
resserrée dans l'ancienne Orthygie s'enorgueillit de son port et de
ses fortifications, autour desquelles rodent avec une jalouse convoi-
tise les vaisseaux anglais de la station de Malte. Les trois autres
parties de l'ancienne ville, Achradine, Tychè et Néapolis ne
sont qu'un désert. A peine de rares ouvriers remuent-ils de loin
en loin ces ruines où se cachent tant de trésors. On a pourtant dé-
blayé l'amphithéâtre et retrouvé dans l'arène comme à Pouzzole,
comme à Capoue, de larges cavités, peut-être pour réceler les ca-
ges des animaux féroces, peut-être pour recueillir les corps des vic-
times. Ces odieux vestiges rappellent l'époque dégénérée où les Sy-
racusains sollicitaient de Néron le privilège d'un plus grand nombre
de gladiateurs. D'autres recherches au théâtre ont fait connaître une
chambre secrète communiquant avec la célèbre grotte que la tradi-
tion populaire appelle l'oreille de Denis. Cette chambre intérieure
ne doit pas se confondre avec celle déjà connue, où l'on pénétrait
par un trou percé dans le roc au dessus de l'entrée. On y recueille,
en eflet, tous les sons, toutes les paroles et jusqu'aux soupirs qui
s'échappent dans toute l'étendue de la caverne. Le tyran y aurait
pu sans peine épier les gémissements de ces captifs. Mais cette hy-
pothèse ne saurait soutenir l'examen de la critique. Il est d'ailleurs
difficile de voir, comme quelques-uns, dans laformesavante de cette
excavation, un moyen d'acoustique théâtre. Ne serait-il donc pas
permis de supposer qu'elle servît à de plus graves usages, qu'elle fin
le sanctuaire de quelques mystères ignorés, le siège de quelque ora-