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ce ne sera point un guerrier, un conquérant, qu'on élèvera sur le
piédestal. Les faits d'armes, qui ont créé tant de noms éclatants aux
dépens de l'humanité, n'entrent pour rien dans l'histoire du per-
sonnage dont les Lyonnais veulent honorer la mémoire. Grâce au
ciel, les gloires meurtrières commencent à n'être plus seules en pos
session de l'admiration des hommes. Après un si long, un si cruel
oubli, les bienfaiteurs des peuples auraient-ils enfin leur tour?
     Les chroniques lyonnaises racontent que Jean Flebergue ou Cle-
 berg, officier suisse ou allemand au service de François I er , près
 duquel il se battit bravement à la bataille de Pavie, vint plus tard
 s'établir à Lyon, où il se fit commerçant, et fut bientôt nommé
 échevin. Elles ajoutent qu'il était l'ami du monarque, et même qu'il
 lui prêta de l'argent pour sa rançon. Ce qu'il y a de certain et de
 plus intéressant, c'est que, de 1533 à 1546, époque de sa mort,
 Cleberg distribua des sommes considérables aux indigents de la ville
 pendant les mauvais jours. Chaque année, il choisissait dans son
 quartier sept jeunes filles, les dotait et les mariait à autant de jeunes
  gens du même quartier. Aujourd'hui le peuple a presque entière-
 ment oublié le capitaine; pour lui, l'échevin, l'ami du roi, n'existent
 plus; mais il se rappelle le bon riche, l'homme bienfaisant. Malgré
 les orages politiques, les désastres, les invasions, ce souvenir se
  perpétue d'âge en âge, toujours vivace, toujours inaltérable dans la
  formule adoptée par la reconnaissance publique.
     Au centre du quartier du Bourgneuf, l'immense rocher auquel
  sont adossées les maisons du quai est resté libre sur une étendue
  d'environ cinquante toises. Au tiers de sa hauteur, une saillie natu-
  relle, régnant dans toute la largeur, supporte encore les derniers ves-
  tiges d'une statue en bois, Å“uvre ridicule par la forme, mais respec-
  table par l'intention qui la fit ébaucher. Cette statue a été renouvelée
  déjà plusieurs fois. Aucune administration, aucun ministre, ne peu-
  vent être rendus responsables de l'imperfection du travail; mais aucun
  ministre, aucune administration, ne sont en droit d'en revendiquer la
   pensée honorable. Ce sont les habitants de l'endroit, et les plus né-
   cessiteux, qui réunissent leurs deniers, tous les vingt ou trente ans,
   pour tirer du néant, non le portrait, ce serait une entreprise inexé-
   cutable, mais le symbole du bienfaiteur de leurs pères. Le dernier