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    Aujourd'hui cette déchéance est irrévocablement sanctionnée. Il
ne s'agit, en aucuue manière, du gouverneur de Pierre-Scise; quels
que puissent avoir été ses titres, ce n'est point non plus une masse
presque informe, taillée dans un bois périssable, que l'on prétend
relever; non, il est question d'une statue en marbre blanc, d'une
véritable œuvre d'art. Les pauvres n'en feront point seuls les frais ;
les riches souscriront aussi, et la municipalité non-seulement four-
nira le bloc, dit-on, mais encore de l'argent. Cette résolution, bien
que tardive, et dont les principaux motifs sont peut-être moins larges
qu'ils ne le paraissent au premier abord, n'en est pas moins digne
d'intérêt sous !e double rapport de l'art et de la moralité des nations.
    Jean Cleberg est moins connu dans sa patrie adoptive sous son
vrai nom, que sous celui de l'Homme de la Roche, tiré de la posi-
tion où son image règne depuis tant d'années. Cette image était de-
venue, pour le quartier, une sorte d'idole, à tel point que les mères,
en passant, faisaient faire la révérence à leurs petites filles, révé-
rence accordée de bon cœur, vraiment; car plus elle était profonde,
plus on apportait à ce culte de zèle et d'assiduité, plus il y avait
chance d'obtenir un bon mari. Quelques-unes de ces filles, mères à
leur tour, se rappellent encore les vœux ardents que leur enfance
adressait à l'Homme de la Roche. On propose, assure-t-on, de ré-
 tablir la dotation de Cléberg : puisse un succès complet récompenser
 un si noble dessein! L'art, pour nous, n'est point seulement une
 source de beautés et de jouissances, nous lui voulons un rang digne
 de la mission qu'il peut remplir, et c'est avec transport que nous le
 verrons s'associer à tout ce qu'on entreprendra d'utile et de géné-
 reux.
     Il reste maintenant à désirer que les vanités locales ne viennent
 point gâter un emplacement si naturellement pittoresque. On a l'in-
  tention d'ériger une fontaine au pied de ce rocher couronné d'arca-
 des, festonné de verdure, et dont les peintres admirent la belle cou-
  leur. Dieu le préserve du placage mesquin dont il est probable-
  ment menacé !
                                            ARTHUR GUIIXOT.