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363 A ces mots la foule commença à s'agiter et ceux-là même qui avaient favorisé l'évasion du patient allaient peut-être se mettre à sa poursuite, lorsque par une soudaine inspiration, le marchand au manteau de drap fin et au pourpoint élégant dont on a parlé, tirant de sa poche un sachet rempli de pièces de m o n n a i e , les jeta en criant: Largesse au peuple ! largesse au nom du roi ! Ce que fit alors toute cette multitude, chacun l'a deviné: elle laissa crier les archers et se jeta sur les pièces du riche Florentin. Celui-ci ne s'en tint pas là ; afin de com- pléter l'exécution de son projet, il donna un écu à un gaigne- denier pour aller se jeter dans le Rhône et le traverser à la nage. La ruse était bien dressée , mais il fallait en assurer le suc- cès. Le marchand se mit tout aussitôt à courir après les ar- chers q u i , n'étant plus guidés par la foule, avaient perdu la trace du fugitif. — Au Rhône ! au Rhône! leur cria-t-il. — Au Rhône ! crièrent les archers et ils se dirigèrent vers les bords du fleuve. Pour lors , ils aperçurent un homme qui nageait avec forcé pour atteindre la rive gauche. A l'instant, ils se précipitèrent vers le pont du Rhône pour le devancer et l'arrêter. Le pauvre diable pour lequel ils avaient fait si grande diligence ne tarda pas d'aborder sur le rivage et les archers allaient se jeter sur lui pour s'en e m p a r e r , lorsqu'ils reconnurent en lui le gaigne-de- nier du marchand florentin. — Ne s u i s , messires archers, ni condamné ni fugitif, mais gaigne - denier et viens de traverser le Rhône pour un écu. •» Les archers eurent un pied de nez , ditParadin. Tout hon- teux de leur mésaventure , ils se résignèrent à rentrer dans la ville s'atlendant peut-être, à payer de la prison de Rouanne l'évasion du condamné. Mais si les archers maudissaient ce qui venait de se p a s s e r , il y avait deux hommes dont il serait impossible de peindre la joie; ces deux hommes étaint le mar-