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•493 fer qui s'échappe des hauts fourneaux comme une avalanche enfîà m • mée? Tout là -bas, la houille, dans des flots de fumée, se dépouille de son soufre! Plus loin, le souffleur souffle le verre! Le laminoir bruyant étend la fonte sous ses dents de fer. Partout la lime, la scie, le moulin, le bruit, le mouvement, la vapeur* la cheminée qu'on prendrait pour l'obélisque de Luxor, la fumée, la flamme, le char^ bon qui sort de terre ! et dans toute cette fumée, de douces prairies; dans ce feu, de limpides ruisseaux ; dans cette poussière, la plus éclatante verdure; sur ce volcan, des moissons naissantes; parmi le soufre, de blanches marguerites ; c'est ici plus que jamais qu'il faut croire à cette union tant célébrée par les poètes, l'union de Vulcain le forgeron et de Vénus la blanche fille de la mer. Je vous disais bien que la folle du logis m'allait reprendre ; mais que voulez-vous? c'est un mal incurable. J'y consens, puisqu'il le faut, hélas! que toute cette belle, éclatante et transparente nature soit chargée d'une couche de poussière, mais à condition qu'on pourra débarrasser au besoin ce doux visage de cette houille, re- trouver la blancheur et l'éclat velouté de cette joue sous l'ignoble poussière qui la recouvre? Que chacun prenne où il le peut son plai- sir, son bonheur, sa joie, son rêve! Que l'ingénieur, cet usurpateuf nouveau, frappe du pied la terre et s'écrie : —'Heureuse terre, tu renfermes dans ton sein du plomb ou du cuivre, de l'or ou du fer! Peut-on m'empêcher de m'étendre sur la prairie verdoyante, et de*- m'écrier à mon tour : — Heureuse terre, toute chargée de blanehes marguerites! Voici deux voyageurs arrêtés sur le même ruisseau; l'un tire une baïonnette de la fournaise, et il plonge le fer homicide- dans cette eau courante ; l'autre prend de l'eau dans le creux de sa main, et il porte cette eau limpide à ses lèvres avides. L'un trempe son arme dans le Furens, l'autre boit les eaux du Lignon ! Ils ont raison l'un et l'autre : leFurens et le Lignon, lefleuvehomicide de» fabricants d'armes et le ruisseau amoureux de PAstrée, c'est te même fleuve! Deux jours plus tard nous disions adieu à Lyon. JULES JANIN»