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                                  M8
tes mères venaient l'implorer pour leurs enfants, les femmes pour
leurs maris. Humbles vœux! tendres vœux ! souvent exaucés, comme
l'attestent les murailles chargées d'ex voto ! Malheureusement cette
abominable tour, placée là pour servir en même temps de café,
de tabagie et d'observatoire frivole, à l'usage des oisifs, tuera la
chapelle de Fourvières ; et voilà pourquoi il eût mieux valu pour
elle être ensevelie dans les ruines.
    Ainsi désenchanté, même de Fourvières, où donc aller maintenant
dans cette ville que la spéculation a de haut en bas envahie? On n'y
 retrouve même plus les vestiges de son dernier siège, un siège
 d'hier ! car ses murailles savent réparer leurs brèches ; à la maison
écrasée a succédé à l'instant une maison neuve; l'incendie même,
 dans cette étrange ville, ne laisse pas de traces de son passage. Par
 exemple, il n'y a pas quinze jours que brûlait tout un quartier des
Brotteaux; figurez-vous le pâté des Italiens tout en flammes. Eh
bien ! j'ai voulu voir l'emplacement de cette ville qui brûlait encora
il y a huit jours : Campos ubi Troja fuit ! Qui le croirait ? Nulle
trace d'incendie ! Pas un seul pan de muraille dégradé ou noirci, pas
une trace de fumée, pas un décombre ! Vous n'avez plus sous les
yeux qu'un vaste emplacement déjà tout prêt à recevoir de nouvelles
constructions, et qui les recevra demain.
    Cependant le soir approchait. Les bateaux à vapeur, repus de feu
 et de fumée étaient rentrés ; le chemin de fer avait lâché au loin sa
dernière cargaison humaine ; l'ombre descendait dans la ville, et
avec l'ombre ce bruit indéfinissable qui n'est pas le bruit occupé et
 mercenaire, le bruit de l'homme qui se promène ou qui se repose.
 Je me souvins alors qu'il y avait à Lyon une place consacrée du
 moins à la poésie profane ; vaste place arrosée de bière, dont l'écho
 répète incessamment toutes sortes de chansons joyeuses, dont le
 petit théâtre fut long-temps l'asile licencieux et bruyant de la Mel-
 pomène du dernier ordre. — Je vais à cette place des Célestins: elle
 n'est plus reconnaissable. Le théâtre est fermé par la spéculation;
 la Melpomène crottée et sans corset a changé de domicile; les chan-
 teurs ambulants, bohémiens déguenillés de la nuit, habitent à cette
 heure de resplendissants cafés qu'ils remplissent de leurs rauques
 mélodies; leurs dignes femelles à la voix roucoulante, sont vêtues de