page suivante »
139 le regardera jamais comme sien.— Cherche-l-il à ensevelir dans un suaire de travail les mouvements de sa nature , la tache originelle sera devinée, malgré les efforts de l'homme ; l'instinct bourgeois saura bien découvrir au fond du cœur ses croyances craintives, ses rêves et ses désirs tournés vers d'autres pensées; et s i , secouant l'étreinte de préjugés stu- pides , cédant à l'entraînement de l'instinct, se fiant, pour mettre toute chose en son j o u r , à l'accomplissement scrupu- leux de ses devoirs , il prétend donner ouvertement satisfac- faction à ses goûts; s i , remuant les cendres de son intelli- gence assoupie, il laisse quelque étincelle éblouir les yeux du vulgaire, oh ! alors gare à l u i ! une sorte de déconsidéra- tion le frappera dans l'exercice de son commerce ou de sa profession ; la confiance désertera sa bannière ; ses projets d'avenir, ses besoins de fortune ne rencontreront que dispo- sitions malveillantes, sans cesse alimentées par l'esprit de coterie et de commérage. Cet esprit de c o m m é r a g e , Monsieur, grâce aux habitudes lyonnaises, est peut-être ici le fléau le plus dangereux. Il faut vous dire que le négociant passe au café les heures qu'il ne passe pas au comptoir. Or, si l'on travaille au comptoir, l'on jase au café. C'est dans ces intermèdes de loquacité que se font et se défont les réputations de tous genres; c'est là qu'on explique la vie de chacun, qu'on la commente, qu'on la tord en tous s e n s , qu'on renverse enfin les cloisons de chaque intérieur pour fureter curieusement dans chaque recoin. Qu'ai-je besoin d'ajouter que les esprits les plus sots et les plus méchants s e n t i e s meneurs de ces propos de chambrée, et que naturellement on y est impitoyable pour tout ce qui ne ressemble pas à soi. Je voudrais , monsieur, que vous pussiez assister à ces conversations d'estaminet, entre gens qui sont, comme disait le Courrier de Lyon, l'élite de l'in- dustrie et du commerce; vous verriez quel est l'esprit qui les a n i m e , vous jugeriez la force et l'élévation de leurs idées, et si j'ai calomnié la caste dont ils sont les,tiges les plus