page suivante »
77 personnel, finit par annuler les plus précieuses facultés. Guichard était né coloriste, qualité dominante des peintres à imagination. C'est par ce caractère que se firent remarquer les premiers ouvrages qu'il exposa. La Mauvaise Pensée, le Rêve d'Amour, quoique prêtant à la critique sur plusieurs points, ouvrirent à Guichard les portes de l'avenir. Il y avait dans ces deux tableaux, à côté d'une certaine exagération de senti- ment, une force d'expression remarquable, une pensée créa- trice , rare par le temps qui court. Il semble que le peintre n'avait plus qu'à poursuivre sa route, en tenant compte de ce que la critique avait pu justement reprocher à ses premiers ouvrages. — Pas du tout : il a subitement tourné le dos à son passé. Reniant bon et mauvais, il s'est jeté à corps perdu dans une volonté de sentiment inverse. Lui, le champion du romantisme , le peintre aux visions fantastiques, le voilà qui veut faire du repos, du calme, du naturel, qui vise aux effets simples, à l'expression des sentiments naïfs !— Certes, rien de mieux, s'il suivait en cela l'impulsion instinctive de son organisation. Rien de plus fâcheux, si ce volleface est l'effet d'un système froidement conçu, d'une combinaison née en sou cerveau de circonstances purement calculées. Or, c'est ce qui me paraît être. Déjà , l'an dernier, le choix du sujet d'un de ses tableaux exposés, le Meunier, son Fils et l'Ane, avait annoncé cette tendance vers un ordre d'idées dont la réalisation matérielle demande surtout du naturel et de la bonhomie. Cet ouvrage, au lieu d'être vrai, ne fut que grotesque. Ce malencontreux essai n'a pas découragé l'auteur, car le tableau d'Henri IV chez le meunier Michaud est conçu dans le même esprit et exécuté sous la même préoccupation. Guichard s'est certai- nement dit ceci : J'ai à peindre des meuniers, gens d'une nature forte et grossière, gens à visages plus ou moins laids , des mères et des filles de meuniers, luronnes d'ordinaire vigoureuses et hâlées, et il vous a fait une famille dans la- quelle mâles et femelles sont matelassés de chair, et ont des