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personnel, finit par annuler les plus précieuses facultés.
    Guichard était né coloriste, qualité dominante des peintres
à imagination. C'est par ce caractère que se firent remarquer
les premiers ouvrages qu'il exposa. La Mauvaise Pensée, le Rêve
d'Amour, quoique prêtant à la critique sur plusieurs points,
ouvrirent à Guichard les portes de l'avenir. Il y avait dans
ces deux tableaux, à côté d'une certaine exagération de senti-
ment, une force d'expression remarquable, une pensée créa-
trice , rare par le temps qui court. Il semble que le peintre
n'avait plus qu'à poursuivre sa route, en tenant compte de ce
que la critique avait pu justement reprocher à ses premiers
ouvrages. — Pas du tout : il a subitement tourné le dos à
 son passé. Reniant bon et mauvais, il s'est jeté à corps perdu
dans une volonté de sentiment inverse. Lui, le champion
 du romantisme , le peintre aux visions fantastiques, le voilà
 qui veut faire du repos, du calme, du naturel, qui vise aux
 effets simples, à l'expression des sentiments naïfs !— Certes,
 rien de mieux, s'il suivait en cela l'impulsion instinctive de
 son organisation. Rien de plus fâcheux, si ce volleface est
 l'effet d'un système froidement conçu, d'une combinaison
 née en sou cerveau de circonstances purement calculées. Or,
 c'est ce qui me paraît être.
     Déjà, l'an dernier, le choix du sujet d'un de ses tableaux
 exposés, le Meunier, son Fils et l'Ane, avait annoncé cette
 tendance vers un ordre d'idées dont la réalisation matérielle
  demande surtout du naturel et de la bonhomie. Cet ouvrage,
  au lieu d'être vrai, ne fut que grotesque. Ce malencontreux
  essai n'a pas découragé l'auteur, car le tableau d'Henri IV
  chez le meunier Michaud est conçu dans le même esprit et
  exécuté sous la même préoccupation. Guichard s'est certai-
  nement dit ceci : J'ai à peindre des meuniers, gens d'une
  nature forte et grossière, gens à visages plus ou moins laids ,
  des mères et des filles de meuniers, luronnes d'ordinaire
  vigoureuses et hâlées, et il vous a fait une famille dans la-
   quelle mâles et femelles sont matelassés de chair, et ont des