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145 Habilité du doute. Quelle puissance d'émotions dans ces mys- tères infinis , qui répondent si bien à l'infini de la pensée. ! — Vous figurez-vous, Monsieur, l'extase de ces h o m m e s , quand il fallait révéler au peuple croyant les touchants épi- sodes de la vie du Christ? L'art appelé à cette grave mission devenait presque un sacerdoce. L'artiste, retiré en son anie comme dans une cellule mystique , se détachait des intérêts de la t e r r e , insensible aux entraînements de la vanité et de la richesse, s'élevant au ciel par la contemplation, et retom- bant dans le sanctuaire de l ' a r t , comme le cénobite dans la prière. Aussi, voyez quelle diversité dans l'unité! quelle gran- deur dans les œuvres ! quelle variété dans la forme et quelle rectitude dans la pensée ! — Les mêmes scènes, les [mêmes sujets présentés sous des aspects si divers, dissemblables de conception, n'empruntant rien l'un à l'autre dans ce qui est la part du mécanisme et de l'esprit humain , mais tous ins- pirés à un foyer unique , enfants du même cœur par l'expres- sion la plus vraie du sentiment chrétien ! Ce sentiment religieux, type de l'ancienne école italienne, qu'on retrouve permanent et universel, depuis le premier jusqu'au dernier de ses p e i n t r e s , fut, on peut le d i r e , la cause active du développement de la science. C'est qu'un sen- timent profond porte en lui-même la force de sa révélation ; alors l'humble paysan devient p o è t e , l'ouvrier obscur, tour- menté par de mystérieuses mélodies, devine la science des accords ; le pâtre ignorant, sous l'empire des visions céles- t e s , découvre des couleurs et des moyens inconnus. —D'ail- leurs par l'identité de croyance et de foi, la tradition de l'art se perpétuait dans l'avenir, ainsi que se conservent dans le sanctuaire du temple la sainteté du culte et la pureté du dogme. Je ne veux point dire par l à , monsieur, que les arts ne puissent grandir sous un autre soleil que celui de la foi chré- tienne ; seulement je pense qu'une foi quelconque , qu'une foi en quelque chose est nécessaire pour vivifier et mettre en exercice le sentiment moral de notre être. Sans e l l e , point 50