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486 Ainsi chassé do tous les petits coins de terre dont il croyait avoir gardé le secret, le poëte se rappelle alors que tout là -haut, au sommet de ce roc isolé que l'industrie n'a jamais pu franchir, loin du bruit, du mouvement, du commerce, si haut, que même la vapeur, la nouvelle ame du monde, ne saurait atteindre à ces hauteurs, la croyance religieuse s'est gardée à grand'peine quelques pieds carrés sur le rocher, et que là s'élève une humble chapelle consacrée à la Vierge, et qu'au moins de cette chapelle, l'ame pourra s'isoler de ces bruits étranges et de cette poussière venue de toutes les extré- mités du monde marchand. Montons-y donc, se dit le poëte; et en effet, le voilà qui gravit lentement la montagne; il traverse une à une toutes les misères cachées dans ces rues étroites ; pas à pas il s'éloigne de ces métiers qui battent ( heureuse la ville de Lyon quand battent ces métiers ! car le silence de ces quatre morceaux de bois qui-font le velours des trônes, est mortel) et ainsi grimpant, le poëte arrive à la chapelle de Fourvières. Mais cette fois encore, ô déso- lation ! le commerce a envahi même la hauteur de Fourvières. La spéculation a construit à la porte de la sainte chapelle une horrible tour carrée do deux cents pieds de hauteur ; la tour écrase de sa masse profane l'élégant petit clocher de Fourvières ; la tour projette son ombre grossière sur l'ombre dentelée de la petite église ; on ne voit plus l'église, on ne voit plus que la tour. Pèlerin, vous pensiez entrer daDs la chapelle, vous n'êtes plus qu'un voyageur oisif, un curieux, et vous entrez malgré vous dans la tour, vous payez votre entrée comme à la porte d'un spectacle; puis, quand vous avez grimpé une heure encore , vous vous trouvez sur une plate-forme immense ; de là vous découvrez , dans un horizon sans limites, ces plaines sans fin, ces hautes montagnes, ces fleuves reluisants sous le soleil ; votre regard ébloui se perd au loin dans ces abîmes de neige, dans cet océan de verdure, dans ces déserts de sable; vous comptez les maisons, les jardins, les domaines, les cités, les royau- mes. Es-tu content, poëte? Ce monde sans mouvement et sans bruit, ce monde qui n'est que grand et beau, n'est-ce pas là le royaume que tu cherchais, le royaume qui n'est pas de ce monde ? Et enfin, tout d'un coup, n'en pouvant plus, vous fermez les yeux et vous vous rappelez celte haute montagne dans l'Evangile, au