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449 un instant, il faut que je sois à cheval et à la tête de ma troupe^ aux portes de la ville... Viendras-lu m'accompa- gner, ma Clémence? jusqu'au dernier m o m e n t , mes r e - gards puiseront-ils dans les tiens le courage et l'espoir? — Won , n o n , je n'assisterai point à ton d é p a r t , la force me manquerait... je ne veux pas que les assistants puissent me voir pleurer... Tu avais raison tout-à -1'heure ; quand l'hon- neur p a r l e , il faut obéir... Devant le peuple, Clémence de Bourges aurait tort de verser des larmes , quand un soldat court à la gloire, lorsque son fiancé va où le devoir l'ap- pelle... P u i s , s'efforçant de sourire et faisant un effort de sublime résignation : A m i , lui dit-elle, courage et bonne espérance!... Tous deux s'arrachent enfin des bras l'un de l'autre; Dupeyrat s'élance au dehors, Clémence court à la fenêtre, le suit des yeux , lui fait des gestes de tendresse, et ses lèvres, qui se meuvent involontairement, semblent en- core murmurer ces mots : Bon courage et bonne espérance!... III. Un mois s'était écoulé depuis le départ de Jean Dupeyrat, et malgré les promesses de ce dernier, Clémence n'avait reçu aucune l e t t r e , aucunes nouvelles. Maugiron, l ' a m i , le confi- dent de Dupeyrat, qui devait venir consoler Clémence et l'entretenir d'un ami commun, ne s'était pas même présenté une seule fois. La jeune fille était désolée ; ses jours et ses nuits se passaient dans les larmes ; son cœur était déchiré par de mortelles inquiétudes ; les belles couleurs de son vi- sage avaient fait place à la pâleur d'une m o r t e , son corps était amaigri et maladif, sa douce gaîté l'avait abandonnée, ses sublimes et touchantes inspirations lui faisaient défaut. Etait-ce donc à cette heure la jeune fille brillante, heu- r e u s e , a n i m é e , qui se faisait voir sur une haquenée et ga- lopant joyeusement par toute la ville ? Etait-ce donc la jeune femme de lettres courageuse, le poète enthousiaste, qui 29