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charmait par ses chanls les galants et les amoureux de la
province lyonnaise? Etait-ce la femme célèbre qui, présentée
à deux rois lors de leur passage à Lyon, les avait étonnés par
ses vers, ses chansons et son gracieux visage ? Hélas! ce n'était
plus que la jeune fille avec son cœur, le poète avec son ame,
le reste s'était effacé!...
   C'est vainement qu'elle s'efforce d'écrire , c'est vainement
que ses amis l'encouragent et l'engagent à ne pas faire défaut
à sa réputation... Clémence n'est plus un poète exalté, une
Muse courageuse, ce n'est plus qu'une pauvre jeune fille
aimante et délaissée... Et d'ailleurs pourquoi saisirait-elle de
nouveau sa plume? serail-ce pour ne traduire que les tristes
et désolantes pensées qui la tourmentent, ne serait-ce que
pour exhaler son ame en plaintes et en douleurs inutiles?...
Non , n o n , Clémence de Bourges comprend mieux son m a n -
dat : elle a renoncé aux louanges et à la célébrité, elle s'est
donnée toute entière à l'amour...
   Cependant, après quelques j o u r s , on remit à Clémence
une lettre venant du Dauphiné et datée du 16 juillet ; elle
était cachetée de cire noire; Clémence l'ouvrit en tremblant;
ce n'était pas l'écriture de Dupeyrat... La missive portait
seulement ces quelques lignes :
   « Messire Jean Dupeyrat, capitaine de chevau-légers au
« service de France, après s'être vaillamment conduit au
« siège de Beaurepaire, vient d'être tué à une attaque d'avant»
« poste. — Dieu ait son a m e ! »

                              IV.
  Trois jours après la réception de la fatale nouvelle, il y
avait à Lyon grande affluence populaire : on promenait par
toute la ville le cadavre de Clémence de Bourges , à visage
découvert et la tète ornée d'une couronne de roses blanches.
De nombreuses jeunes filles suivaient son convoi ; Louise
Labé et Clément Marot s'y faisaient remarquer par leur dou-
leur.                                   JOANNY AlJGIER.