page suivante »
115 qui rentraient aux étables; c'était une curieuse harmonie que l'harmonie de leurs clochettes, incessamment mêlée aux chants des bergers. Peu à peu le sublime spectacle du paysage qui se déroulait devant moi, la rue des montagnes du Pilât, qui bornaient l'horison du côté du midi, le souvenir de mon enfance passée au milieu d'elles, puis Lyon , que je devinais à ses fumées, et qui renferme tous ceux que j'aime ; tout cela me plongea dans une rêverie indéfinissable; mais, hélas! je cherchai vai- nement dans mon cœur une mélodie qui reproduisît d'une manière fidèle les émotions qui m'agitaient ; mes efforts fu- rent impuissants ! alors le découragement me prit, et je me crus incapable d'exprimer une idée poétique ; et je pleurais amèrement, lorsqu'il me vint à l'esprit un souvenir des chants les plus suaves de Beethoven et de Mozart... Eux aussi étaient loin de la nature! aussi loin que Raphaël et que Ruïsdael, les grands peintres ! je fus un peu consolé... Tout à coup , du haut de la tour de l'église , partirent lés volées d'une cloche ; vives et pressées, elles chantaient une divine action de grâces... Oh! c'est là la mélodie que je cher- chais ; cette mélodie qu'aucun musicien n'aurait pu trouver, mélodie d'une seule note, qui chante d'une voix si joyeuse pour la naissance et si désolée pour la mort. Comme vous le voyez , mon ami, l'art musical n'est donc pas l'imitation de la nature ; ce n'est que l'expression de sen- timents plus ou moins élevés, plus ou moins poétiques. Envisagé sous ce point de vue , l'art n'existe pas à Lyon ; d'autre part, à peine y renconire-t-on quelques dignes in- terprêles des maîtres français et allemands ; on y aime ce- pendant la musique , mais il n'y existe pas de société musi- cale organisée d'une manière large. Parlerai-je des tentatives qui y ont été faites à diverses re- prises pour réunir les éléments d'un orchestre un peu digne ? Tout le monde connaît les entraves qu'ont toujours apporté à la réalisation de ce projet les ridicules et mesquines pré-