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dire sur ce tableau ? — Quoiqu'il en soit, celle scène triste
et douloureuse m'a vivement impressionné. La pauvre femme
palpite encore sous les souffrances qu'elle vient d'endurer.
Seulement ne doit-on pas blâmer le choix d'un pareil sujet?
Le spectacle de la douleur physique, quand elle ne se rat-
tache pas à une grande cause morale, ne doit être admis
dans le domaine de l'art qu'avec beaucoup de mesure. Il ap-
partenait à notre époque matérialiste de rechercher l'émo-
tion de l'échafaud et celle de la souffrance corporelle. La lit-
térature avait déjà donné le signal de celte mauvaise tendance,
et je me rappelle avoir été malade en lisant le Dernier jour
d'un Condamné. Raison de plus pour ne pas laisser se pro-
pager une disposition aussi fâcheuse, dont les inconvénients
en peinture sont encore plus déplorables. La mission du
peintre est de soulever les émotions du cœur, et non pas
d'exciter en nous un ébranlement nerveux. On dira peut-être
que dans les Natchez, le sentiment paternel est l'idée morale
du sujet ; celle idée ne me paraît pas satisfaisante pour jus-
tifier Delacroix ; et évidemment la tête de la femme n'exprime
que l'affaissement maladif d'une couche laborieuse. Du reste,
en admettant la donnée du peintre, son tableau est traité avec
le talent que nul ne conteste à Delacroix : tout y est triste,
solennel ; les solitudes de ces vastes régions se déroulent au
loin. Peut-être désirerait-on une lumière moins terne, mais
l'effet général répond au genre d'aclion.
   Le Dolce farniente de Wintheralter est une copie exé-
 cutée par lui du tableau original. Là je suis bien en Italie ;
 tout m'y reporte, l'air, la lumière, l'azur du ciel, la beauté
 des femmes , celle des hommes ; ce n'est pas une nature de
 nos climats affublée de la défroque italienne ; le soleil
 resplendit ; il a bruni le teint de ces pêcheurs ; il a mis
 le feu dans leur regard. La composition de ce tableau est
 pleine de magie et de charme. Cependant, en l'examinant
 avec soin, on découvre beaucoup de choses inachevées. Le
 peintre a tâché d'imiter la verve et l'éclat de Léopold Robert,