Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   37
   Alors les mariniers, q u i , par les âpres sentiers des bords
du fleuve , ont suivi la marche des b o i s , pratiquent une o p é -
ration qui effraie l'imagination. Une poutre est placée en tra-
vers du lit étroit dont j'ai parlé, ses extrémités appuyées sur
les deux bords, opposés, de l'abyme : à cette poutre est atta-
chée une corde ; à cettte corde, un homme armé d'une scie
ou d'une hache; cet homme, on le descend ainsi, et on le tient
suspendu au niveau du fleuve^ dont les parois surplombent
sur son lit, et ne présentent pas une saillie où le pied puisse
se reposer. L à , il reconnaît celles des pièces de bois qui re-
tient les autres, la scie^et le convoi, rendu à la l i b e r t é ,
reprend sa marche aventureuse , pour s'arrêter peut-être de
 nouveau un peu plus b a s , et être délivré de la même ma-
nière. Quelque hasardeuse que paraisse une telle opération,
il est sans e x e m p l e , m'a-t-on dit, qu'elle ait entraîné la perle
d'aucun des hommes hardis, qui l'ont maintes fois pratiquée.
Tout le bois ainsi exploité n'arrive pas à destination. Une
partie est détruite ou reste en chemin, et le fleuve avare
prélève une large commission sur la cargaison qui lui est
confiée ; mais ce qui survit et arrive suffit pour indemniser
les entrepreneurs.
   J e reviens à Seyssel et à Y Abeille. Après avoir savouré les
gloires de l'ovation méritée qui lui avait élé donnée , notre
joli p a q u e b o t , tout fier de son succès , s'apprêta à redescen-
dre. Le lendemain de notre arrivée, nous partîmes de grand
matin. En un clin d'œil Seyssel disparut à nos yeux. Les mon-
tagnes , les côtes couvertes de vignobles, les hameaux et les
châteaux, semés dans la c a m p a g n e , tout cela fuyait sur les
deux côtés du bateau à vapeur avec une rapidité qui tenait
de la magie et qui devenait parfois effrayante.
   Nous voilà en face du village sarde de Chana, situé, comme
je l'ai dit p r é c é d e m m e n t , à l'entrée du canal de Favière, qui
sert de dégorgeoir au lac du Bourget, que M. Perret avait
résolu d'explorer à son retour. Ce lac est séparé du Rhône
dans presque toute sa longueur par le mont du Chat, don