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selon l'expression d'Armaud Carrel, « ne sait pas tout ce que
nous savons, mais sait tout ce que nous ne savons pas. »
    Comme nous ne cherchons pas dans la critique un délasse-
ment littéraire, et que nous croyons que l'art ni le public
n'ont rien à gagner dans la discussion de ces théories, nous
nous contenterons de dire que lorsque nous abandonnons ces
deux grands foyers d'inspiration, aussitôt l'innovation hardie,
aventureuse, pleine d'étrangeté et de courage, envahit les
rangs de nos écoles et peuple les ateliers. Se confiant dans
sa force, dans sa jeunesse, elle lente de rendre l'expression de
sa pensée, sans se préoccuper des générations qui l'ont pré-
cédée, et commence l'art à ses risques et périls, comme si
l'art n'avait jamais existé; c'est une tendance commune à tout
expérimenter, à étendre indéfiniment le domaine de la créa-
tion; celte fougueuse fantaisie d'exploration, cetle recherche
inquiète d'un idéal inconnu, conduit peut-être à de singulières
erreurs, mais par compensation, produit aussi des chefs-
d'œuvres inattendus. Sans doute ceux qui n'ont rien d'artiste
ni dans l'imagination ni dans le cœur, et qui voudraient ré-
duire l'inspiration à la perpétuelle reproduction des compo-
sitions copiées d'âge en âge, ne comprennent pas ces li-
bres allures de l'art; ils étouffent au berceau toute tentation
novatrice; pour peu qu'une toile ou un marbre ail un accent
inusité, ils s'indignent et se révoltent; quand un artiste se ré-
vèle pour la première fois, il a contre lui, et ces ennemis nés
de l'art, et toutes les habitudes exclusives de l'opinion pu-
blique; il ne s'agit pas, pour lui, d'égaler ou de surpasser les
hommes habiles ou applaudis, il faut qu'il apprivoise l'en-
têtement et l'ignorance qui ont pris racine sur le terrain étroit
de quelques admirations routinières ; pour remporter celle
double victoire, le génie et la fécondité sont des armes insuf-
fisantes; dans une semblable lutte, que peut faire l'homme de
1alent?ouil s'épuise dans cette bataille livrée chaque jour à
 l'opinion, et meurt sans avoir vaincu, ou, désespérant d'élever
le public jusqu'à lui, il descend dans l'ornière^ dépouille l'ar-